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audierne

opposée, redoutant de se retrouver dans les mêmes sentiers, ne prétendant qu’une même poussière vienne maculer leurs chaussures, ne voulant pas respirer le même air.

Chaque jour, on les voyait monter aux tourelles élevées des donjons d’où ils peuvent s’apercevoir, sans que leurs voix puissent se faire entendre. Ce manège dura une longue vie, sans que le moindre geste de réconciliation y vint mettre un terme. De ces sommets, ils purent voir, à la suite des années, leurs corps se courber, leurs barbes blanchir, tandis que leurs yeux se lançaient des éclairs haineux qui allaient, déchirant la robe verte du Rhin allemand.

Oh ! qu’ils eussent mieux fait de lever l’un vers l’autre une main amie, et de se porter une santé avec leur petit vin blanc

Un jour, l’un d’entre eux manqua à la visite, quelques jours après, le plus jeune ne parut pas non plus, à la tourelle.

Cette haine fratricide de deux êtres créés pour s’aimer fut punie de Dieu… Les témoins sont les sommets démantelés et en ruine, où l’on n’entend plus que le cri lugubre des oiseaux de nuit… Le guide les indique du doigt aux touristes, et leur dit : « Die Brüder »… les frères…

Ici, je vous indique aussi deux demeures, construites aussi, à même époque, par deux frères ; mais ceux-ci sont restés amis et unis pour leur bien propre, et le bien de leur pays. Au pied de l’une de ces demeures, spécimens gracieux du génie moderne, ils ont établi une usine de produits chimiques.

Autrefois, les cristaux de soude, produits de nos côtes, se transportaient au loin. Leur industrie extrait de ces soudes de varechs, l’iode et ses dérivés, le brome et ses dérivés, les sels de potasse,