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la croix de pennéarc’h

C’est un peu au large, près de la roche la Vieille, là se trouve le phare actuel, environ à deux milles, et à une profondeur de 25 brasses (environ 120 pieds).

Il y a de cela soixante-cinq ans, et à cette époque j’avais cinq ans. C’était un jour de vendredi saint, je vous prie de le remarquer. Pendant quelques années, mon père a conservé cette croix dans le jardin, jusqu’au jour, où M. le recteur l’a fait ériger à cette place, au sommet de cette pierre que vous voyez, et au pied de laquelle tout le village va prier, puisque nous n’avons pas de chapelle.

La croix a environ 1m 20 de hauteur, et elle est toute de granit de la côte… l’anagramme I. N. R. I. est parfaitement conservé… Le sommet de la croix et les deux branches sont terminés par des boules arrondies, quatre fois grosses comme des billes de billard.

La couronne d’épines est un large turban, les bras sont très courts, peu proportionnés au buste qui est très fort, il en est de même des jambes posées l’une sur l’autre, le pied gauche repose sur le pied droit… mains et pieds sont parfaitement sculptés… on y a mis même plus de soin que pour les autres parties du corps.

La tête est comme toujours dans toutes les croix sans expression… c’était la réflexion que je faisais.

Pourrait-on en effet reproduire, de manière à contenter un croyant, la tête d’un Christ mourant ? Ce mot si simple en effet de l’évangile : Inclinato capite, tradidit Spiritum, renferme tant de choses à exprimer : souffrance, prière, miséricorde, pardon etc… pas un pinceau pas même celui de Michel Ange, l’artiste qui plus que Sanzis, s’est rapproché du sublime, ne saurait arriver à peindre autant de sentiments divers, tous contenus dans les paroles dictées, du haut de la croix.