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ville d’is

base, véritable chaos de pierres, de roches, de murailles, dirait-on, en ruines. Là on devait carguer la voile et jeter l’ancre, car le poisson abonde toujours. On comprend bien qu’ici, dans ce fouillis de pierres, on ne peut employer un grappin en fer, ce qui se pratique sur les autres bases. Un grappin en fer, si on l’employait ne pourrait plus être dégagé, aussi les pêcheurs emploient-ils pour ces parages, une ancre d’une autre façon. C’est une grosse pierre, retenue par deux tiges de bois, comme deux bras qui l’enserrent, et à cette ancre ils ont donné un nom spécial ann nêo, celui-ci est facile à dégager… Toujours est-il que ce jour là, notre barque après un séjour prolongé, après une pêche fructueuse, ordre fut donné à un marin de ramener ann néo… Celui-ci fort gaillard, se met en devoir de hâler la pierre… vains efforts, aidé même d’un autre marin de la barque, il ne put dégager l’arrêt… Je ne perdrai pas dit-il ann néo neve (neuve), il se jette à la mer et plonge, car il était têtu comme un Crozonais, et de plus, il était aussi habile plongeur que ceux qui se livrent à la pêche des éponges et des huitres perlières… l’équipage attend. Longs instants après, on le voit revenir, il avait les yeux hagards et paraissait terrifié, l’équipage est obligé de le saisir et de le prendre à bord, car il tremblait de tous ses membres… Vite, vite dit-il, coupez le câble et partons d’ici, de cette base maudite. On s’empresse de prendre la hache du bord et de couper la corde… Quand, il put parler, il raconta à ses compagnons des choses épouvantables. Il avait vu des ruines, au milieu de ces ruines, des spectres, des cadavres amoncelés, et au milieu d’eux un prêtre, à barbe blanche, officiant, qui lui faisait des signes en le suppliant d’approcher de l’autel, etc…