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d’audierne au bec du raz

Dans cette dentelure du rivage, on trouve quelques criques, fjords sans importance entre les collines rapprochées. La distance est faible, un filet est tendu dans l’intervalle, il flottera au-dessus de la lame quand la marée viendra apporter son afflux ; malheur alors au mulet, au bar qui viendra prendre ses ébats, car c’est le jeu qu’ils aiment le long de la côte.

Quelquefois ce sont des bancs entiers qui à l’entrée des fjords viennent prendre leur récréation, aussi, les guette-t-on. Le mulet, dit le marin est fin, comme un merle, malgré tout il se laisse surprendre quelquefois… Quand la vigie aperçoit quelques museaux bleus à la surface, on avertit le voisinage ou du moins les proches… Alors quelle curée ! Une battue en règle est organisée, ils sont dix à douze. Le lendemain on lit dans les journaux : Les marins de X… dans un seul coup de senne, ont capturé 1 800 mulets, vendus à un mareyeur au prix de 2,500 fr. C’est rare, mais ceci est arrivé plusieurs fois.

Ces criques non étendues ont encore un avantage.

Après la tempête, elles deviennent le magasin naturel des goëmons détachés des prairies de la mer, ils ne peuvent s’étaler sur les parois qui ne se découvrent jamais… ils s’accumulent en grosses quantités dans l’antre béant qui se présente… Quand le flot s’est retiré, croyez-vous qu’il soit bon de laisser se perdre ce don de Dieu, cet engrais de premier ordre, ce combustible même si mauvais qu’il soit ? Vous connaîtrez mal le travailleur de la mer si vous y songiez. Comme le héros de Victor Hugo qui va dans la caverne sous la roche affronter la pieuvre, ici un intrépide descendra… C’est à 250 pieds, à 300 pieds, soit, mais il descendra, un palan muni d’une longue corde est