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parti, la classe ouvrière, les masses et les chefs, etc., nous trouvons aussi des conceptions géniales qui ont subi l’épreuve de plusieurs révolutions et sont entrées, en grande partie, dans la conscience des masses, qui représentent une acquisition durable pour notre lutte de classe et ne deviendront inutiles que lorsque la lutte de classe aura disparu. Dans le domaine du marxisme appliqué, de l’organisation du parti, des rapports entre les organisations du parti et les autres organisations, les autres classes, nous n’avons et n’aurons rien de meilleur, car les formules de Lénine résument toute la nouvelle époque et tout le mécanisme de la révolution ouvrière victorieuse.

J’ai dit que nous ne trouverons là rien de meilleur que ce qu’a dit Lénine, mais là aussi la tradition léniniste doit évidemment s’adapter aux circonstances concrètes. Rien ne révoltait plus Lénine que lorsqu’on érigeait le marxisme en dogme. Il avait des paroles très dures pour ceux des bolcheviks qui ne savent que répéter comme des perroquets ce qui a été dit autrefois. Dans des conversations privées, il les traitait de vieux imbéciles. Il avait même des envies d’employer ce terme peu courtois dans la presse. Il exigeait de lui-même et des autres, outre une méthode déterminée, l’appréciation constante de tous les facteurs nouveaux. Si l’on ne tient pas compte de la marche des événements, des particularités de chaque situation, il est impossible de rien faire de bien en théorie comme en pratique. On ne peut s’orienter parmi de nouveaux événements sans en connaître l’origine, car la vie est un mouvement perpétuel et elle produit constamment des formes, des situations nouvelles, que chaque théoricien, chaque praticien, chaque marxiste doit savoir discerner. Sous ce rapport, Lénine avait un « flair » vraiment extraordinaire. Son activité, ses formules théoriques, ses mois d’ordre pratiques révèlent ce sens aigu de la réalité et de ce qu’elle apporte de nouveau. Les vastes conversions politiques de notre parti et les formules critiques qui les accompagnaient étaient de magnifiques exemples de cette dialectique révolutionnaire marxiste, qui ne redoute aucun changement brusque de situation et sait y répondre par un changement correspondant dans la stratégie et la tactique du parti prolétarien.

Fréquemment, on compare Marx à Lénine et on demande lequel de ces deux hommes est le plus grand. Et l’on répond d’habitude que Lénine est supérieur dans la pratique. Marx dans la théorie. À mon avis, il n’existe pas de mesure commune pour de telles valeurs, car on ne peut comparer des hommes d’un genre différent, ayant vécu dans des conditions différentes, joué des rôles différents. Cette façon de poser la question est fausse. Mais il est une chose certaine :