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domaines, sans qu’il y eût besoin de révolution, de dictature du prolétariat… etc.

C’était là la doctrine de l’évolution vers le socialisme. Mais, dès la dictature du prolétariat, commence une période d’évolution organique et notre façon de poser cette question, comme beaucoup d’autres, doit naturellement changer. Ce qui se produit après la conquête du pouvoir par la classe ouvrière (si l’on prend, bien entendu, un pays isolé), c’est bien une évolution vers le socialisme au sens véritable du mot.

Cette formule ne se trouve pas textuellement chez Lénine, mais on peut trouver dans ses œuvres quantité de passages illustrant la pensée qu’elle renferme. Dans ses dernier articles surtout, notamment dans celui où il traite de la coopération, Lénine dit nettement que si, dans la période historique précédente, nos aspirations étaient purement révolutionnaires et destructives, par contre, dans la phase actuelle, l’axe de notre politique, c’est le pacifique travail d’organisation. Cette formule a le même sens que la mienne, mais il est évident qu’il faut la développer dans plusieurs domaines, car elle sous-entend une infinité de questions, comme celle de la lutte évolutive des formes économiques, du développement, puis de la décroissance progressive de l’État — ce qui est aussi une évolution. En effet, nous renforçons l’organisation du prolétariat gouvernant, la dictature prolétarienne, mais plus tard cette organisation étatique commencera à disparaître par voie d’évolution. La suppression de l’État se fera sans aucune révolution. Par conséquent, tout acte dirigé contre la dictature du prolétariat est objectivement contre-révolutionnaire. C’est précisément parce que l’État ouvrier est d’un type tout à fait spécial — de même que notre armée, qui recèle en elle le germe de sa disparition graduelle — que tout son développement sera évolutif. En effet, après l’instauration de la dictature du prolétariat, cette évolution vers le socialisme n’en est qu’à son commencement. Il est facile de comprendre qu’il doit y avoir là une loi particulière et que la disparition des antagonismes de cette période doit se faire tout autrement que la disparition des antagonismes capitalistes. Ceci pour une raison fort simple : le développement capitaliste n’est que la reproduction toujours élargie des antagonismes capitalistes, qui disparaissent à un moment pour reparaître à un autre et chaque cycle nouveau accentue tous les antagonismes, qui mènent à l’effondrement du système, tandis que, dans la nouvelle phase marquée par l’avènement de la dictature ouvrière (je fais abstraction de la possibilité de détruire la dictature ouvrière de l’extérieur, comme ce fut le cas en Finlande), nous avons une évolution où, à un moment donné, les antagonismes commencent à disparaître ; ce n’est donc pas une reproduction élargie des