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LA CHANSON DE L’AIGUILLE



IV

Mes doigts piqués de taches rouges,
                Mes doigts meurtris !
Mes yeux gonflés de veines rouges,
                Mes yeux flétris !
Mes bras et mes poignets débiles,
                Au bout de l’an ;
Mon ventre creux, mes reins débiles,
                C’est le bilan !

V

Hommes, près de vos sœurs chéries,
                Songez à nous !
Songez près des femmes chéries,
                Souvenez-vous !
Ce ne sont pas nos toiles blanches
                Que vous usez :
C’est notre vie, en ses nuits blanches.
                Que vous brisez !

VI

Cours, mon aiguille, file, file
                Le drap des morts !
Au cœur des hommes file, file
                Tous les remords !
Dieu, se peut-il que le pain vaille
                Si cher, si cher !
Et que cependant si peu vaille
                Mon sang, ma chair !