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questions de morale pratique

sion plus ou moins complète du sens moral qui finit par recouvrir, à nos yeux, les choses les plus malhonnêtes d’une apparence d’honnêteté, qui nous fait regarder comme licite, non ce qui est juste, mais ce qui nous est avantageux ou nous agrée. Le principe de toutes les fausses consciences est dans le texte de saint Augustin, admirablement développé par le grand prédicateur : Tout ce que nous voulons est bien (Omne quodcumque volumus bonum est). Au lieu de régler nos désirs et nos actions sur la conscience, c’est notre conscience que nous réglons sur nos actions et nos désirs.

Si nous nous faisons une fausse conscience, selon notre cœur et nos passions, plus souvent encore la faisons-nous suivant nos intérêts. Que notre intérêt ne soit en jeu à aucun degré, nous voyons naturellement clair, en fait d’équité, dans telle ou telle affaire ; nous faisons équitablement la part de chacun ; nous discernons très bien la limite entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, la conduite qu’il eût fallu tenir au lieu de celle qu’on a tenue. Mais sitôt que notre intérêt s’y mêle, cette