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Girardin dans son domaine d'Ermenonville : il n'y avait pas deux mois qu'il s'y était établi, lorsqu'il y mourut presque subitement (3 juillet). On supposa, mais à tort, qu'il s'était empoisonné ou s'était tué d'un coup de pistolet : des procès-verbaux authentiques prouvent que sa mort fut naturelle. Il fut enterré à Ermenonville dans l'île des Peupliers. Il laissait plusieurs ouvrages manuscrits, entre autres ses Confessions, où il faisait avec une véracité quelquefois cynique l'histoire si intéressante de sa vie (jusqu'en 1765). Rousseau obtint une célébrité presque égale à celle de Voltaire; il la dut à la fois au charme de son style, à la vive sensibilité qui règne dans ses écrits, à son enthousiasme pour la nature, et plus encore peut-être à ses opinions paradoxales. Comme philosophe, il avait adopté cette ambitieuse devise : Vitam impendere vero. Dès ses premiers ouvrages, il s'était posé l'adversaire de la civilisation, et il persista toute sa vie dans cette voie : dans son Contrat social, il fondait la société sur un pacte imaginaire et proclamait l'égalité absolue, posant ainsi les principes d'où sortit la Révolution; dans l’Émile, il proposait un système d'éducation impraticable, où l'élève n'aurait eu d'autre maître que la nature; dans l’Héloïse, il traita, il est vrai, quelques-unes des questions de la morale avec une admirable éloquence; mais il y soutint avec une égale force des opinions contradictoires. Toutefois, il émit sur l'éducation et la politique quelques idées saines qui furent accueillies avec enthousiasme, et qui influèrent puissamment sur son siècle. En religion, il professait le pur déisme, mais sa morale, fondée sur la conscience, était opposée aux doctrines d'égoïsme et d'impiété qui dominaient de son temps. Comme homme privé, J. J. Rousseau montra toujours un désintéressement et une fierté honorables; toutefois, sa vie offre des parties qu'on ne saurait trop flétrir : telles sont sa liaison avec une femme indigne de lui, l'abandon qu'il fit de ses enfants, son ingratitude envers ses bienfaiteurs. En 1794, ses restes furent portés au Panthéon, et son nom donné à une rue de Paris qu'il avait habitée. Genève, sa patrie, oubliant ses anciens griefs, lui a récemment érigé une statue. — Outre les ouvrages déjà cités, J. J. Rousseau a laissé un Dictionnaire de musique, un Dictionnaire de botanique, de nombreuses Lettres, dont quelques-unes sont de vrais ouvrages (entre autres la Lettre à d'Alembert sur les spectacles, à propos de l'article Genève de l’Encyclopédie). Il existe une foule d'éditions de ses Œuvres; une des plus complètes est celle qu'a donnée Musset-Pathay, en 23 vol. in-8, 1823-26, avec une Hist. de sa vie et de ses ouvrages. G. Moulton a publié en 1854 des Œuvres et une Correspondance inédites de J. J. Rousseau.

ROUSSEAU (J. Franç. Xavier), consul en Perse, né en 1738 à Ispahan, m. en 1808, était fils d'un joaillier de Genève établi en Perse et cousin germain de J. J. Rousseau. Il fut depuis 1773 chargé comme consul des affaires de France en Perse et dans le pachalik de Bagdad, vint en 1780 visiter la France, où ses services et plus encore sa parenté avec l'auteur de l’Émile lui valurent un accueil empressé, et retourna en 1782 dans l'Orient comme consul de Bagdad et de Bassora. Il a laissé des Mémoires sur le commerce et l'histoire de la Perse. — Son fils, J. B. L., 1781-1831, successivement consul à Bassora, à Alep, à Bagdad, à Tripoli, a publié : Description du pachalik de Bagdad, 1809, Notice sur la Perse et Mém. sur trois sectes musulmanes, 1818.

ROUSSEL (Pierre), médecin philosophe, né en 1742 à Ax (Ariége), m. en 1802, étudia à Montpellier, vint se fixer à Paris, où il se lia avec Bordeu, et publia en 1775 le Système physique et moral de la Femme, ouvrage qui fut fort bien accueilli. On a aussi de lui un Éloge de Bordeu.

ROUSSEL (Joseph), compilateur, né à Épinal vers 1750, m. en 1815, d'abord avocat, puis commis de la chancellerie de la Légion d'honneur, a publié : Politique des cabinets de l'Europe pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI, 1793; Correspondance secrète de plusieurs personnages illustres à la fin du XVIIIe s., 1802; Annales du crime et de l'innocence, ou Choix des Causes célèbres, 20 v. in-12, 1813 et ann. suiv.

ROUSSELAER, v. de Belgique. V. ROULERS.

ROUSSELET (Gilles), graveur de Paris, 1614-86, adopta la manière de Corneille Bloemaert, et le surpassa même quelquefois. On remarque dans son œuvre, qui se compose de 334 pièces : une Ste Famille, et la Victoire de S. Michel sur Satan, d'après Raphaël; Éliézer abordant Rébecca, et Moïse échappé à la mort, d'après Poussin; une Annonciation, Quatre travaux d'Hercule et David terrassant Goliath, d'après le Guide ; le Christ au tombeau, d'après le Titien.

ROUSSET DE MISSY (J.), compilateur, né à Laon en 1686, d'une famille protestante que la révocation de l'édit de Nantes avait fait sortir de France, mort en 1762, servit quelque temps dans l'armée hollandaise, ouvrit ensuite à La Haye une école pour la jeune noblesse, puis devint propriétaire du Mercure historique et politique de La Haye, qui lança tant de traits contre Louis XIV, et fut nommé historiographe du prince d'Orange. On a de lui plusieurs ouvrages historiques, mais il est surtout connu par deux recueils importants : Recueil historique d'actes, négociations, mémoires et traités de paix depuis la paix d'Utrecht jusqu'au 2e congrès de Cambray, La Haye, 1728-52, 25 vol. in-12; et Supplément au Corps diplomatique de Dumont, 1739, 3 vol. in-fol.

ROUSSILLON, anc. province et grand-gouvt de la France, avait pour bornes, au N. le Languedoc, à l'O. le comté de Foix, à l'E. la Méditerranée et au S. l'Espagne. On le divisait en Roussillon propre ou comté de Roussillon, et Cerdagne française; capitale, Perpignan. Il forme aujourd'hui le dép. des Pyrénées-Orientales. — Le Roussillon, qui doit son nom à la ville antique de Ruscino, était occupé avant la conquête romaine par les Sardones, les Consorrani et les Ceretani. Il fit partie sous les Romains de la 1re Narbonaise, passa en 462 sous la domination des Visigoths, et en 720 sous celle des Arabes, fut délivré par Pépin le Bref en 759, et eut dès lors des comtes de race franque, qui se rendirent bientôt héréditaires. Le dernier d'entre eux le légua, en 1172, à Alphonse II d'Aragon. S. Louis, roi de France, renonça à ses droits de suzeraineté sur ce comté. En 1462, Jean II d'Aragon l'engagea à Louis XI pour 300 000 écus d'or; mais Charles VIII le restitua à Ferdinand le Catholique en 1492. Les troupes de Louis XIII le conquirent de 1640 à 1642; le traité des Pyrénées en garantit la possession à la France en 1659.

ROUSSILLON, ch.-l. de cant. (Isère), sur la r. g. du Rhône, à 20 kil. S. de Vienne; 1507 h. Charles IX y rendit en 1564 l'ordonnance qui fit commencer l'année au 1er janvier : jusqu'alors elle avait commencé à Pâques.

ROUSSIN (Albin Reine), amiral, né à Dijon en 1781, m. en 1854, était fils d'un avocat au parlement de Bourgogne. Il s'engagea comme mousse à 12 ans pour sauver son père, détenu comme suspect (1793), prit part en 1810 au combat du Grand-Port (Île-de-France), à l'issue duquel il fut nommé capitaine de frégate, fit de 1811 à 1814 de nombreuses captures sur les Anglais; explora de 1817 à 1821 les côtes de l'Afrique et du Brésil, et rédigea d'excellentes cartes de ces parages, ce qui lui valut son admission à l'Académie des sciences et au Bureau des longitudes; alla en 1828, à la tête d'une escadre, réclamer du Brésil la réparation de préjudices causés au commerce français par le blocus de Buénos-Ayres, et obtint une satisfaction immédiate; fut en 1831 envoyé en Portugal pour demander réparation d'insultes faites à des résidents français par don Miguel, força l'entrée du Tage, regardée comme inexpugnable (11 juillet 1831) et obtint dans les 24 heures toutes les satisfactions réclamées; fut en ré-