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gine à quelques familles Venètes d'Aquilée et de Padoue qui, fuyant devant Attila, se retirèrent dans les îles des lagunes (vers 452). Chaque île d'abord s'administra elle-même. Vers 697, elles se réunirent et choisirent un chef unique qui reçut le nom de duc ou de doge : Anafeste fut le premier (697-717). La nouvelle république fut censée sujette de l'empire d'Orient; mais au Xe s. elle devint indépendante de fait. En 997, sous Pierre Orseolo II, Venise jeta les fondements de sa puissance en soumettant les villes maritimes de l'Istrie et de la Dalmatie (entre autres Zara). Le XIe s. et surtout le XIIe lui furent très-favorables : ses navires, rivaux de ceux de Pise et de Gênes, transportaient les marchandises et les pèlerins. Pendant les Croisades, elle transporta surtout les Croisés, et souvent elle se fit donner en payement partie des villes conquises sur les Infidèles. Guelfe plus que Gibeline, bien que ne prenant qu'un intérêt secondaire à la guerre du sacerdoce et de l'empire, elle nuisit beaucoup à Frédéric Barberousse, battit la flotte impériale au cap Melloria, et contribua à la paix de Venise (1177) : c'est en récompense des services ainsi rendus par les Vénitiens à la cause guelfe que le pape Alexandre III donna au doge un anneau qu'il devait jeter tous les ans dans la mer comme symbole de son union avec cet élément, qui devait lui être soumis comme l'épouse l'est à l'époux. Peu après, sous le doge H. Dandolo, Venise affectait en effet l'empire de l'Adriatique. La conquête de Constantinople par les Latins, à laquelle elle avait pris part par sa marine (1204), lui valut la plupart des îles de l'Archipel, Négrepont, Candie, les ports de la Morée, et un quart de Constantinople. Jusqu'en 1261, Venise joua le premier rôle dans l'ancien empire grec; mais quand Michel VIII (Paléologue) eut repris Constantinople (1261), et surtout après les défaites de 1291 et 1298, cette primauté devint le lot de Gênes : de là une longue lutte entre les deux républiques (guerres de Caffa, 1350-1355, de Chiozza, 1378-1381). Cette dernière guerre, terminée par la paix de Turin en 1381, fit perdre à Venise toutes ses conquêtes en Terre-Ferme; toutefois elle se releva bientôt et se dédommagea en obtenant la Marche de Trévise (1388), le Padouan (1405), le Bressan (1428). Après la prise de Constantinople par les Turcs, Venise s'honora par une courageuse résistance (1461-1477); néanmoins, elle se vit enlever par Mahomet II beaucoup d'îles de l'Archipel, entre autres Négrepont, plus les places de la Morée. A la mort de Scanderbeg, elle posséda momentanément divers districts de l'Albanie, et, en 1489, elle se fit céder le roy. de Chypre par Catherine Cornaro. Venise était alors la première puissance commerçante de l'Europe ; elle jouait aussi un rôle essentiel dans la politique de l'Italie : c'est elle qui forma la ligue contre Charles VIII, vainqueur de Naples (1495), et qui fit échouer tous ses projets. Mais la découverte du passage aux Indes par le Cap (1497) et celle de l'Amérique (1492) portèrent à son commerce un coup mortel; la ligue de Cambray, formée contre elle en 1508 par l'empereur, le pape, les rois de France et d'Aragon, la mit à deux doigts de sa perte et lui coûta la Polésine avec cinq villes dans le roy. de Naples; en 1571 Chypre lui fut prise sous Sélim II, ainsi que les douze Cyclades. En 1618, une conspiration dirigée par Bedmar, faillit assujettir Venise à l'Espagne. En 1669, sous Mahomet IV, une guerre ruineuse lui arracha Candie. En vain, elle recouvra quelques places en Morée (1683-99) : elle les reperdit encore en 1739. En 1797, Venise, bien qu'elle fût restée neutre en apparence, fut occupée par Bonaparte, qui, par le traité de Campo-Formio, livra tout son territoire à l'Autriche (ne gardant que les îles au S. E.), contre la cession du duché de Milan et la limite du Rhin. En 1805, la paix de Presbourg joignit Venise et son territoire au roy. d'Italie, mais le tout revint à l'Autriche en 1814, et, uni à la Lombardie, forma le royaume Lombard-Vénitien. Sous la domination autrichienne, Venise n'a fait que dépérir. En 1848, elle proclama la république, mais elle fut réduite en 1849 après un long et glorieux siège (V. MANIN), et vit son sort s'aggraver. Elle a été réunie au royaume d'Italie en 1866. — Au moyen âge, Venise n'était pas moins célèbre par son industrie que par sa puissance politique : elle revendique l'invention du papier ; c'est de ses presses que sortit le premier livre imprimé en Italie; elle a été longtemps sans égale pour la fabrication des glaces. Elle a aussi excellé dans la peinture : aux XVIe et XVIIe s., l'école vénitienne a été sans comparaison la première pour le coloris : c'est à cette école qu'appartiennent les frères Gentile et Giovanni Bellini, le Giorgione, le Titien, le Tintoret, Paul Véronèse. Enfin Venise eut longtemps la réputation d'une ville de plaisir : ' son Carnaval y attirait les étrangers de toute l'Europe. — Le gouvernement républicain de Venise était une forte et ombrageuse aristocratie; ses nobles étaient inscrits dans un registre dit Livre d'or. Le chef de l'État, doge ou duc, était à vie, mais comme presque tous les doges étaient nommés fort vieux, aucun d'eux, depuis J. Foscari (qui gouverna 34 ans, 1423-1457), ne resta au pouvoir plus de 16 ans. Le pouvoir du doge, presque absolu dans l'origine, fut de plus en plus restreint à la suite de révolutions intestines. Il était limité par le Grand-Conseil ou Sénat, le Conseil des Dix, les Inquisiteurs d'État, le Conseil des Pregadi (chargé avec le doge du pouvoir exécutif), et le tribunal de la Quarantie. Les Vénitiens nobles avaient seuls accès aux charges politiques. Les provinces étaient régies par des provéditeurs, les villes par des podestats. La force armée consistait en Dalmates, dits stradiotes. — Depuis Anafeste jusqu'à Louis Marini, dernier doge (de 697 à 1797), pendant un espace de 1100 ans, Venise compta 122 doges. Les familles ducales les plus connues sont celles des Gradenigo, Candiano, Orseolo, Contarino, Faliero, Morosini, Ziani, Dandolo, Tiepolo, Mocenigo, Foscari, Pisani. Daru a écrit une Histoire de la république de Venise, 1828, 8 vol. in-8, ouvrage fort estimé. H. Galibert en a donné une histoire abrégée, qui va jusqu'en 1848.

VENISE (État de). Avant 1797, il comprenait les provinces suivantes : 1. Le Dogado ou duché de Venise (Venise, quelques îles et un peu de Terre-Ferme); 2. Le Padouan (Padoue, Bassano, Abano, Este) ; 3. La Polésine de Rovigo; 4. Le Véronais (Vérone, Carpi, Peschiera); 5. Le Vicentin (Vicence, Asiago); 6. Le Bressan (Brescia, Salo, Lonato, Chiari); 7. Le Bergamasc (Bergame, Crémone); 8. Le Crémasque (Crême); 9. La Marche Trévisane (subdiv. en Trév-san, Feltrin, Bellunais et Cadorin) ; 10. Le Frioul (Udine, Sacile, Pordenone); 11. L'Istrie (Pola, Capo d'Istria) ; 12. Sur la côte de Dalmatie, Nona, Zara, Trau, Spalatro, Sebenico, Clissa, la prov. Primorise (ch.-l., Cettigne), Signia, l'Herzégovine, Cattaro; 13. Les îles dalmates depuis Osera jusqu'à Curzola ; 14. En Albanie, Parga, Prevesa, Vonizza, Butrinto ; 15. Les îles Ioniennes. Ces quatre dernières provinces passèrent de 1797 à 1801 entre les mains de la France, à qui bientôt l'Angleterre ravit les îles. De 1805 à 1814, les dix premières, englobées dans le roy. d'Italie, formèrent les dép. de l'Adriatique, de la Brenta, du Bacchiglione, de l'Adige, du Serio, de la Mella, du Tagliamento, de la Piave, du Passeriano. Elles ont été depuis données à l'Autriche et jointes au roy. Lombard-Vénitien, puis (1866) réunies au roy. d'Italie (V. ce mot). Les îles Ioniennes formèrent un petit État sous la protection de l'Angleterre.

VENISE (ancien gouvt de) ou VÉNÉTIE, un des 2 gouvts de l'anc. roy. Lombard-Vénitien, avait pour bornes la Lombardie à l'O., le Tyrol et l'Illyrie au N., et l'Adriatique des autres côtés : 250 kil. du N. E. au S. O., sur 108 de largeur moyenne; 25 000 kil. carr., 2 000 000 d'hab. ; ch.-l. Venise. Il était divisé en 8 délé-