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liance anglaise et désapprouvé la guerre d’Espagne, il fut privé du portefeuille des relations extérieures (1807). Mécontent, bien qu’il eût reçu en compensation le titre de vice-grand électeur, avec 500 000 fr. de traitement, il prit dès cette époque une part active aux intrigues qui avaient pour but de renverser Napoléon et de ramener les Bourbons en France. Membre du gouvernement provisoire en 1814, il sut rendre l’empereur Alexandre favorable aux Bourbons, fut nommé par Louis XVIII ministre des affaires étrangères, et assista au congrès de Vienne ; mais, après les Cent-Jours, il devint suspect aux ultra-royalistes et se retira. Resté simple pair, il prit place dans l’opposition, et ne fut pas étranger à la révolution de 1830. Louis-Philippe le nomma dès son avénement plénipotentiaire en Angleterre : Talleyrand réussit alors à réaliser cette alliance de l’Angleterre et de la France qui avait été la pensée dominante de sa vie. Il signa en 1834 le traité de la Quadruple-Alliance, et assista aux conférences qui terminèrent les querelles de la Belgique et de la Hollande ; puis il se retira des affaires. Talleyrand est sans contredit le premier diplomate de son temps : à une grande habitude des affaires et à une extrême finesse, il joignait un très-grand empire sur lui-même ; il avait en outre beaucoup d’esprit et on lui prête une foule de mots heureux. On l’accuse de versatilité, parce qu’il servit plusieurs gouvernements : il prétendait en cela ne servir que son pays. Il a laissé des Mémoires, qui n’ont pas encore vu le jour. M. Mignet a lu son Éloge à l’Académie des sciences morales, dont il était membre.

TALLIEN (J. Lambert), homme politique, né à Paris en 1769, m. en 1820, était fils d’un maître d’hôtel du marquis de Bercy, et avait été clerc de procureur, commis, prote d’imprimerie, quand les États généraux s’ouvrirent. Il entra au club des Jacobins, eut part au 10 août (1792), devint secrétaire greffier de la Commune de Paris, fut député par le dép. de Seine-et-Oise à la Convention, se signala par sa violence contre Louis XVI et les Girondins, et soutint Marat et Rossignol. Envoyé à Bordeaux pour y établir le régime de la Terreur (1794), il connut dans cette ville la belle Mme de Fontenay, depuis Mme Tallien, qui exerça sur lui une heureuse influence et le rendit plus modéré ; mais il se vit alors rappelé à Paris par le parti terroriste, et n’eut bientôt d’autre moyen d’échapper au supplice que d’y pousser Robespierre. Il s’unit contre lui avec ceux qui couraient les mêmes dangers, l’accusa au 9 thermidor, le fit décréter d’accusation et condamner. Nommé membre du Comité du salut public, il appuya de toutes ses forces la réaction contre les Terroristes, et fit condamner Fouquier-Tinville, Carrier et Lebon. Commissaire de la Convention en Bretagne, il fit fusiller les prisonniers de Quiberon. Après la dissolution de la Convention, il fut du Conseil des Cinq-Cents, et prit part au 18 fructidor. Il suivit Bonaparte en Égypte comme administrateur des domaines, fut pris par les Anglais à son retour, fut ensuite nommé consul à Alicante, mais ne fit que toucher les appointements de cette place sans en remplir les fonctions. Dépouillé de cette ressource par les Bourbons, il mourut dans la gêne et dans l’oubli. — Mme Tallien, née Thérèse CABARRUS, femme célèbre par sa beauté, son esprit et sa générosité, était fille du banquier espagnol Cabarrus. Née vers 1775 à Saragosse, elle fut de bonne heure amenée à Bordeaux et mariée dès l’âge de 14 ans à M. Davis de Fontenay, conseiller au parlement de Bordeaux, mariage qui fut rompu par un divorce. Effrayée des excès de la Révolution, elle voulut passer en Espagne, mais elle fut arrêtée et conduite devant Tallien, alors commissaire de la Convention à Bordeaux, qui la fit mettre en liberté, et qui bientôt conçut pour elle une violente passion. Elle n’usa de l’ascendant qu’elle avait pris sur lui que pour arracher à la mort une foule de victimes. Quand Tallien eut été rappelé, elle fut jetée en prison ; le 9 thermidor la sauva : il est probable que le danger où elle se trouvait hâta cette journée : c’est après cet événement qu’elle épousa Tallien. Cette union ne fut pourtant pas heureuse, et peu d’années après un nouveau divorce vint la rompre. En 1805, Mme Tallien épousa le comte de Caraman, depuis prince de Chimay. Elle mourut en 1835, au château de Ménars, près de Blois. Pendant longtemps cette dame jouit d’une grande vogue à Paris ; elle donnait le ton et exerça sur le public une grande influence ; cependant Napoléon ne voulut jamais l’admettre à sa cour.

TALMA (Franç. Jos.), grand tragédien, né à Paris en 1763, m. en 1826, était fils d’un dentiste, et pratiqua lui-même pendant 18 mois la profession de son père ; mais bientôt il se voua au théâtre. Il débuta aux Français en 1787, par le rôle de Séïde, dans Mahomet, et fut reçu sociétaire deux ans après. Il commença dès lors la réforme du costume, qu’il rendit conforme aux temps et aux lieux ; en outre, il créa plusieurs rôles (Manlius, Othello, Hamlet, Sylla, Régulus, etc.). Talma est regardé comme le premier tragédien de son temps et comme le régénérateur de l’art théâtral. Parlant l’anglais avec perfection, il donna parfois à Londres des représentations en cette langue. Napoléon l’aimait beaucoup et l’admettait dans son intimité ; il paya au moins deux fois ses dettes. On a de cet artiste d’intéressantes Réflexions sur Lekain et sur l’art théâtral, 1825. Moreau a donné des Mémoires sur Talma, 1827.

TALMONT, ch.-l. de c. (Vendée), à 13 kil. E. des Sables d’Olonne, 980 hab. Anc. abbaye. Ce fut autrefois une principauté, qui appartint successivement aux maisons de Thouars, d’Amboise et de La Trémoille.

TALMUD, c.-à-d. discipline, code civil et religieux des Juifs, est pour eux la suite et le complément de la Bible. On distingue deux Talmud : 1° celui de Jérusalem, qui fut achevé dans le IVe s. : il est devenu inintelligible pour les Juifs eux-mêmes, et n’est plus en usage ; — 2° celui de Babylone, rédigé au Ve s. et qui est le plus important. Celui-ci se divise en deux parties : la Mischna (ou 2e loi), qui contient le texte, et qui fut écrite vers 190 par le rabbin Judas le Saint ; et la Gémara (ou le Complément), qui est une sorte de glose ou de commentaire. Cette 2e partie fut commencée au Ve s. par le rabbin Asser et achevée au VIe. La Mischna est écrite en hébreu rabbinique assez pur ; la Gémara en hébreu mêlé de chaldéen. Le style du Talmud est fort obscur ; on trouve dans ce livre une foule de fables invraisemblables. Il a été publié en entier pour la 1re fois par Bomberg, Venise, 1520, 12 fol., in-fol., et réimprimé à Amsterdam en 1744 et à Paris, 1859 et ann. suiv. ; il a été trad. en franç. par l’abbé Chiarini, 1831. — On donne le nom de Talmudistes aux Isralites qui reconnaissent les doctrines du Talmud. Ils sont opposés aux Caraïtes, qui s’en tiennent à la lettre de la Bible.

TALON (OMER), avocat général au parlement de Paris, d’une famille originaire d’Irlande, né vers 1595 à St-Quentin, m. en 1652, montra pendant la Fronde du dévouement au roi et aux lois, ainsi que de la prudence, et déploya le plus noble caractère. Il fut aussi un des premiers à faire entendre au barreau un langage sain et de bon goût. Il a laissé des Mémoires estimés. — Denis Talon, son fils, 1628-98, fut comme lui avocat général, et mourut président à mortier. Il eut grande part à la rédaction des Ordonnances de Louis XIV. On a publié les Plaidoyers et Discours d’Omer et Denis Talon, Paris, 1821.

TALTHYBIUS, héraut d’Agamemnon au siége de Troie. Ses descendants eurent longtemps le privilège de fournir des hérauts à Sparte.

TAMAN, île de la Russie d’Europe (Tauride), entre la mer Noire et la mer d’Azov, à l’entrée du détroit d’Iénikaleh (d’où le nom de détroit de Taman donné souvent à ce détroit) : 80 kil. sur 40. Sources de pétrole et plusieurs volcans de boue. Elle est habitée par des Cosaques. On y remarque Taman, ville forte qui a une grande importance militaire, Tmoutarakan et les ruines de l’anc. Phanagoria.