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m. en 1858, était fille d’un pauvre colporteur israélite, du nom de Félix, et fut mise au monde sur une route près du village de Munf en Thurgovie. Après une enfance misérable, pendant laquelle elle allait chanter dans les cafés de Lyon, elle fut amenée à Paris, entra au Conservatoire, débuta au Gymnase en 1837, mais sans y être remarquée, et dut à Samson, qui avait deviné son avenir et qui dirigea son talent, d’être admise au Théâtre-Français (1838). Elle y obtint dès l’abord un succès qui s’accrut de jour en jour. Elle ressuscita la tragédie, négligée depuis longtemps, se voua surtout au genre classique et rendit avec une admirable perfection les plus beaux rôles de Corneille, de Racine et de Voltaire. D’une taille avantageuse, d’un port imposant, elle excellait dans l’ironie, la colère et l’indignation, plus que dans l’expression des sentiments tendres ou délicats : Camille, Hermione, Athalie, Lucrèce étaient ses meilleurs rôles ; son geste noble et sobre, ses poses sculpturales ajoutaient beaucoup à l’effet. En 1856, elle entreprit un voyage en Amérique : elle y obtint de nouveaux triomphes et fit d’abondantes recettes, mais elle y contracta une maladie de poitrine qui ne tarda pas à la conduire au tombeau : elle vint mourir au Cannet (Alpes maritimes), dans la force de l’âge et dans toute la plénitude de son talent.

RACHGOUN (île), petite île de l’Algérie, en face de l’embouch. de la Tafna, par 3° 50′ long. O., a 800m sur 200, avec un petit port.

RACHIMBOURGS, hommes libres qui, chez les Francs, avaient le droit d’assister aux plaids pour délibérer sur les affaires générales et rendre la justice : ils siégeaient au nombre de 7.

RACHOTIS, quartier d’Alexandrie. V. ALEXANDRIE.

RACINE (Jean), le plus parfait des poëtes tragiques de la France, né en 1639 à La Ferté-Milon, mort en 1699, avait pour père un contrôleur du grenier à sel de sa ville natale, et resta orphelin à 4 ans. Élevé à Port-Royal, il y puisa le goût de la littérature classique. Il se fit connaître dès l’âge de vingt ans, et s’attira les bonnes grâces de la cour par une ode qu’il composa pour le mariage de Louis XIV (la Nymphe de la Seine). Il eut le bonheur de se lier dès sa jeunesse avec Molière et Boileau, qui le conseillèrent utilement. S’étant voué à la carrière dramatique, il débuta par une tragédie de Théagène et Chariclée, essai fort imparfait, que Molière lui fit supprimer ; fit jouer en 1664 la Thébaïde, en 1665 Alexandre, et révéla tout son talent dans Andromaque (1667), qui eut un grand succès, mais qui éveilla l’envie. En 1668, il composa, comme pour se délasser du genre tragique, la spirituelle comédie des Plaideurs (1668), imitée des Guêpes d’Aristophane ; depuis, il se consacra tout entier à la tragédie, et donna successivement : Britannicus (1669), où il s’inspira de Tacite ; Bérénice (1670), où il mettait en scène, sous des noms antiques, la séparation de Louis XIV et de Henriette d’Angleterre, qui s’aimaient ; Bajazet (1672), Mithridate (1673), enfin Iphigénie (1674), et Phèdre (1677), imitées toutes deux d’Euripide. Il eut la douleur d’entendre siffler le dernier chef-d’œuvre par une cabale à la tête de laquelle étaient le duc de Nevers et la duchesse de Bouillon, et de voir triompher un moment la Phèdre de Pradon, qu’on ne craignit pas de lui opposer : justement froissé d’un si indigne traitement, il renonça au théâtre, quoiqu’il n’eût encore que 38 ans et que son génie fût dans toute sa force ; il était d’ailleurs confirmé dans cette résolution par des scrupules religieux. Il se maria en 1677, fut nommé la même année historiographe du roi, et ne voulut plus s’occuper que du soin de sa famille et des devoirs de sa charge. Cependant il consentit, à la prière de Mme de Maintenon, et après un silence de douze ans, à traiter des sujets sacrés, et composa Esther (1689) et Athalie (1691), qui furent jouées à St-Cyr par les demoiselles de la maison royale. La 1re de ces tragédies eut le succès qu’elle méritait ; mais la 2e, livrée au public par l’impression, fut entièrement méconnue, et Racine, découragé par cette nouvelle injustice, cessa définitivement de travailler pour la scène. Louis XIV ne s’en plut pas moins à le combler de faveurs ; il lui assura une pension, le fit trésorier de la généralité de Moulins et gentilhomme ordinaire ; il l’admettait même dans sa familiarité. Mais un Mémoire sur la misère du peuple, que Racine avait rédigé à la sollicitation de Mme de Maintenon (1697), étant tombé entre les mains du roi, ce prince s’en offensa, et s’exprima en termes durs, qui, rapportés au poëte, lui portèrent un coup fatal : une maladie dont il souffrait (un abcès au foie) s’aggrava ; il ne fit plus que languir et mourut deux ans après. Il avait été reçu à l’Académie française dès 1673. Racine n’égale peut-être pas Corneille en vigueur, en génie, mais il le surpasse en correction, en élégance, en souplesse et surtout en sensibilité : la tendresse est le principal ressort qu’il fait jouer ; en outre, il n’offre point de disparate comme son émule ; enfin, son style est la perfection même. Outre ses tragédies, on a de lui quelques épigrammes, des cantiques spirituels, composés pour St-Cyr (1694), et de belles odes, auxquelles il faut ajouter les chœurs d’Esther et d’Athalie, les plus beaux modèles de poésie lyrique que possède notre langue. Par un rare privilège, Racine écrivait en prose presque aussi bien qu’en vers : il avait, en sa qualité d’historiographe, rédigé une Histoire du règne de Louis XIV qui était fort avancée au moment de sa mort ; elle a péri dans un incendie (1720) ; on n’en a conservé qu’un fragment, la Campagne de 1672 à 1678. On a encore de lui : l’Abrégé de l’histoire de Port-Royal, 1693 ; des Discours académiques (dont l’un renferme l’Éloge de P. Corneille), et des Lettres pleines de naturel. Parmi les éditions critiques de ses Œuvres, on distingue celles d’Aimé Martin (1820), de M. Paul Mesnard (1865 et suiv.) ; et l’on admire, comme éditions de luxe, celles de Didot, dite du Louvre, 1801-1805, et de Bodoni, Parme, 1813, toutes deux en 3 vol. in-fol. Le Théâtre de J. Racine a été commenté par son fils L. Racine, par Luneau de Boisfermain, Laharpe, Geoffroy, Fontanier, etc.

RACINE (Louis), poëte didactique, fils du préc., né à Paris en 1692, m. en 1763, eut pour maître Rollin et se sentit de bonne heure entraîné vers la poésie. Il se fit recevoir avocat pour obéir au vœu de sa famille, puis alla passer trois ans à l’Oratoire, où il composa la Grâce, poëme en 4 chants, qu’on accuse de jansénisme, accepta en 1722 une place d’inspecteur des fermes de Provence, mais s’en démit vers 1750 pour se fixer à Paris, où il fut élu membre de l’Académie des inscriptions. Ayant perdu en 1755 un fils unique, mort à Cadix victime du tremblement de terre qui renversa Lisbonne, il renonça au monde pour être tout entier à sa douleur et ne s’occupa plus que d’exercices de piété. On a de lui, outre la Grâce (1722), la Religion, en 6 chants (1742), poëme d’un genre froid, mais qui, avec une versification correcte et élégante, offre de grandes beautés, et qui est justement devenu classique ; des odes qui ont les mêmes qualités et les mêmes défauts que ses poëmes (on y distingue l’Ode à l’harmonie, où l’exemple est joint au précepte de la manière la plus heureuse) ; des poésies diverses, des Réflexions sur la poésie, des Remarques sur les tragédies de J. Racine, avec un Traité de la poésie dramatique, d’intéressants Mémoires sur la vie de J. Racine, et une traduction en prose du Paradis perdu de Milton. L’édition la plus complète de ses Œuvres est due à Lenormant, 1808,6 vol. in-8. Des Lettres inédites de J. et L. Racine ont été publ. en 1862 par l’abbé A. de Laroque, leur petit-fils.

RACINE (l’abbé Bonaventure), parent des précédents, né en 1708 à Chauny près de Laon, m. en 1755, était principal du collège de Rabastens (diocèse d’Alby), mais se vit forcé de quitter ses fonctions à cause de son attachement au Jansénisme,