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état de lutter puissamment contre Jean sans Terre, son successeur : il prit d’abord la défense d’Arthur de Bretagne, neveu du roi d’Angleterre, et, lorsque ce prince eut été assassiné, il cita Jean à comparaître pour rendre compte de ce meurtre (1203). Sur son refus de se présenter, il le fit condamner par la Cour des pairs et lui enleva successivement la plupart des fiefs qu’il possédait en France (la Normandie, le Maine, la Touraine, l’Anjou, le Poitou). Il tourna ensuite ses armes contre le duc de Flandre, qui, suscité par Jean sans Terre, s’était ligué contre lui avec l’emp. Othon IV ; il gagna sur eux, le 27 juillet 1214, la bataille de Bouvines, qui assura toutes ses conquêtes, et lui donna une prééminence marquée sur tous les princes de l’Europe. Pour se venger de Jean sans Terre, il soutint les barons et l’Église d’Angleterre contre ce prince, qui venait de violer la Grande-Charte, 1216, et accepta la couronne de ce pays pour son fils (Louis VIII) ; mais la mort de Jean, arrivée la même année, empêcha de donner suite aux propositions qui avaient été faites à cet égard. Philippe régna depuis paisiblement, et ne prit que peu de part à la croisade des Albigeois. Il mourut en 1223. Ce prince avait été excommunié en 1199 pour avoir répudié sa femme Ingelburge, afin d’épouser Agnès de Méranie ; il reprit en 1201 Ingelburge, et l’excommunication fut levée. Philippe-Auguste a fondé les Archives de France sous le titre de Trésor des Chartes ; il a protégé l’Université de Paris, à laquelle il donna en 1215 des statuts qui assuraient ses privilèges (c’est depuis que cette université a été nommée la fille aînée des rois de France) ; il a publié d’excellentes lois civiles, favorisé l’émancipation des communes, réglé l’administration de la justice, organisé la Cour des Pairs, créé la milice connue sous le nom de Ribauds (1189), encouragé le commerce, fortifié et embelli Paris, qui lui dut ses premières rues pavées et une nouvelle enceinte (1190-1212), élevé la tour du Louvre, continué Notre-Dame, commencé les Halles et l’Hôtel-Dieu. En outre, il a réuni au domaine la terre d’Auvergne, 1198, les comtés d’Artois, 1199, d’Évreux, 1200, de Meulan, 1203, le duché de Normandie, 1204 et les comtés de Touraine, Maine, Anjou, Poitou, 1205-1206, de Vermandois et de Valois, 1214, et d’Alençon, 1216, et a ainsi travaillé activement à fonder l’unité française. À ces divers titres, il a mérité le surnom de Charlemagne capétien, que quelques-uns lui ont donné. Capefigue a écrit son Histoire. Parseval-Grandmaison a composé un poëme de Philippe-Auguste.

PHILIPPE III, dit le Hardi, fils de Louis IX, né en 1245, avait suivi son père à la dernière croisade. Il fut reconnu roi sur la côte d’Afrique après la mort de son père, 1270, et, après avoir obtenu sur les Maures un avantage qui sauvait l’honneur des Croisés, il se hâta de conclure la paix avec le souverain de Tunis et de revenir en France. Il maintint avec énergie la prépondérance royale : en 1272, il fit sentir sa puissance au comte de Foix, Roger Bernard III, qui refusait de reconnaître sa suzeraineté, et le força à lui céder le haut comté de Foix ; en 1274, à la mort de Henri, roi de Navarre, il força les Navarrais à se soumettre au gouvernement de Jeanne, leur jeune reine, qu’il avait fiancée à son fils Philippe ; mais il tenta vainement de placer les infants de La Cerda sur le trône de Castille (1276). Après le massacre des Vêpres siciliennes (1282), il fit la guerre au roi d’Aragon Pierre III, instigateur de ce massacre : déjà il lui avait enlevé Elne, la passe d’Écluse, Girone, et soumis une partie de la Catalogne, lorsqu’il fut atteint par une maladie épidémique, qui le contraignit à rentrer en France : il mourut à Perpignan, en 1285. Ce prince avait hérité du Poitou et du comté de Toulouse par la mort d’Alphonse de Poitiers, son oncle (1271), du Perche et du comté d’Alençon par celle de Pierre, 5e fils de S. Louis (1283), et était devenu maître par achats des comtés de Nemours (1274) et de Chartres (1284) ; il avait en outre, par le mariage de son fils avec une princesse de Navarre, préparé la réunion de cet État à la couronne de France. En 1274, il avait cédé au St-Siége le comtat Venaissin. Il fut marié deux fois : 1° à Isabelle d’Aragon, dont il eut Philippe (IV), 2° à Marie de Brabant : cette princesse ayant été faussement accusée par le grand chambellan Pierre de La Brosse de la mort du jeune Louis, fils du 1er lit, Philippe le punit de la peine capitale. C’est ce prince qui fixa la majorité des rois à 14 ans.

PHILIPPE IV, dit le Bel, fils de Philippe III, lui succéda en 1285, à l'âge de 17 ans. Il termina en 1291 la guerre contre l’Aragon, par le traité de Tarascon ; il s’engagea bientôt après dans une lutte contre Édouard I, roi d’Angleterre, qui fit alliance avec Gui de Dampierre, comte de Flandre : les victoires de Furnes, de Comines et la prise de Bruges, amenèrent une trêve avec Gui de Dampierre et facilitèrent la conclusion du traité de Montreuil, par lequel Édouard I fiançait son fils Édouard avec Isabelle, fille du roi de France (1299) ; en même temps, Philippe IV réunit le comté de Flandre à la couronne. Vers la même époque, il eut un violent démêlé avide pape Boniface VIII, qui voulait subordonner le pouvoir temporel au pouvoir spirituel et exercer sur tous les trônes un droit de suzeraineté. Le pontife lança contre lui plusieurs bulles (Clericis laicos, 1296 ; Salvator mundi, 1300 ; Ausculta fili, 1301) : n’ayant rien obtenu, il l’excommunia et mit le royaume en interdit. Philippe fit brûler la bulle Ausculta fili et convoqua en 1302 les États généraux (les premiers qu’on ait vus en France), qui promirent de défendre contre tout pouvoir l’indépendance de la couronne. Au milieu de ces embarras, les Flamands, exaspérés par la tyrannie de Jacques de Châtillon, que Philippe leur avait donné pour gouverneur, s’étaient révoltés et avaient battu les Français à Courtray (1302) : Philippe signa une trêve avec eux, ce qui lui permit d’agir contre le pape. Il accusait ce pontife d’hérésie et même de plusieurs crimes, et demandait un concile : pour toute réponse, Boniface l’excommunia une 2e fois ; alors Philippe, exaspéré, envoya en Italie des troupes qui se saisirent du pape et exercèrent sur sa personne les plus coupables violences (V. NOGARET). Puis, il marcha contre les Flamands : il les vainquit à la bataille de Mons-en-Puelle (1304) ; cependant il leur accorda une paix honorable. À la mort de Benoît XI, qui avait remplacé Boniface VIII, il réussit à faire nommer un pape français, Clément V (Bertrand de Got), qui s’établit à Avignon. Il le pressa de faire le procès à la mémoire de Boniface VIII et obtint de lui l’abolition de l’ordre des Templiers (1312). Philippe s’empara aussitôt des richesses de cet ordre puissant et livra au bûcher ses principaux chefs ainsi que leur grand maître Jacques Molay. Il mourut peu après (novembre 1314). Sans cesse poursuivi par des besoins d’argent, Philippe le Bel pressura les Juifs, augmenta les tailles, créa la gabelle (1286), vendit des chartes aux communes, des titres de noblesse à des roturiers et altéra la valeur des monnaies, ce qui le fit surnommer par le peuple le faux monnoyeur. Philippe était devenu roi de Navarre par son mariage avec la reine Jeanne : il est le 1er qui ait porté le titre de Roi de France et de Navarre ; il ajouta en outre au domaine de la couronne la Flandre française, le Quercy,la Champagne et la Brie, dot de sa femme, le diocèse de Viviers et la ville de Lyon. Ce prince s’attacha à ruiner le pouvoir féodal et ecclésiastique, augmenta la centralisation, surveilla l’administration de la justice et créa une armée permanente. M. Boutaric a publié La France sous Philippe le Bel, 1861.

PHILIPPE V, dit le Long (sans doute à cause de sa taille), 2e fils de Philippe IV, fut chargé de la régence à la mort de Louis X, son frère, qui laissait enceinte la reine Clémence de Hongrie (1316). L’enfant de Clémence n’ayant pas vécu, il fut proclamé roi, par application de la loi salique, malgré l’opposition de plusieurs princes du sang, qui ne reconnaissaient pas l’exclusion des femmes et voulaient placer sur le