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mais cet enthousiasme même et quelques efforts qu’il fit dès cette époque pour s’emparer du pouvoir effrayèrent le Directoire. Après avoir proposé à Bonaparte le commandement d’une flotte destinée à l’invasion de l’Angleterre, on accepta, pour l’éloigner, l’offre qu’il avait faite de diriger en Égypte une expédition qui, après avoir conquis ce pays, le coloniserait et en ferait un point d’appui pour attaquer les Anglais dans l’Inde. Parti le 19 mai 1798, il s’empara en route, grâce à des intelligences secrètes, de l’inexpugnable Malte, débarqua ensuite en Égypte, prit Alexandrie, gagna sur Mourad-Bey la bataille des Pyramides qui lui ouvrit l’entrée du Caire, et, bien que Nelson eût détruit la flotte française à Aboukir, il acheva par lui-même ou par ses lieutenants (Kléber et Desaix) de soumettre tout le pays. Il l’organisa aussitôt, et fonda au Caire un Institut qui a jeté les plus vives lumières sur les antiquités et l’histoire de l’Égypte ; mais bientôt il se vit environné de dangers par l’impossibilité de recevoir des renforts. Néanmoins, après avoir comprimé une révolte au Caire, il essaya de joindre la Syrie à ses conquêtes (1799) : il prit El-Arich, Gaza, Jaffa, mais il mit en vain le siége devant St-Jean-d’Acre, ses troupes étant minées par la faim et décimées par la peste. De retour en Égypte, après avoir battu au Mont-Thabor 20 000 Turcs avec 2000 Français, il remporta encore la victoire d’Aboukir, qui sauva l’armée (25 juillet). Informé à ce moment de nos désastres en Italie, il prit la résolution de rentrer en France et laissa son armée à Kléber : après avoir échappé comme par miracle aux croisières anglaises, il parut inopinément à Paris à la fin de 1799, sans avoir subi de quarantaine. Le Directoire était tombé dans le discrédit, les factions n’avaient aucun chef capable : Bonaparte devint bientôt le centre d’un parti puissant. Aidé des directeurs Sieyès et Roger-Ducos, de son frère Lucien, président du conseil des Cinq-Cents, du général Leclerc, et encouragé par les hommes les plus considérables de l’époque, il renversa le Directoire à la fameuse journée du 18 brumaire an VIII (9 nov. 1799), se fit nommer 1er consul pour 10 ans et se donna pour collègues deux hommes prêts à le seconder, Cambacérès et Lebrun. Il se remit aussitôt à la tête de l’armée d’Italie : le passage des Alpes (1800), la victoire de Marengo (14 juin), et les succès que, grâce à ces débuts décisifs, remportèrent ensuite ses lieutenants, rendirent aux armes françaises la supériorité en Italie, tandis que Moreau, du côté du Rhin, gagnait la bataille de Hohenlinden. Le traité de Lunéville avec l’Autriche (1801), et bientôt celui d’Amiens avec l’Angleterre (1802), terminèrent cette seconde guerre. Bonaparte profita de la paix pour fermer les plaies de l’intérieur : il mit un terme aux réactions des partis, pacifia la Vendée, rappela les émigrés, rouvrit les églises, conclut avec le pape un nouveau concordat, réorganisa tous les services, créa l’ordre de la Légion d’honneur, institua la banque de France, rouvrit le grand-livre de la dette publique, enfin fit rédiger le Code civil (Code Napoléon). Dans le même temps il déjouait les complots de tous genres formés contre lui, échappait à l’explosion de la Machine infernale et profitait même de ces attentats pour augmenter son pouvoir. Le Sénat, qui déjà l’avait nommé consul à vie en 1802, le proclama empereur en 1804 ; il fut sacré en cette qualité, sous le nom de Napoléon, par le pape Pie VII, venu à Paris tout exprès pour cette cérémonie (2 déc.) ; un an plus tard, il érigea la république Cisalpine en royaume et se fit couronner roi d’Italie à Milan. Cependant, dès la fin de 1803 l’Angleterre avait recommencé les hostilités ; l’Autriche, la Russie, les Deux-Siciles, en firent autant en 1805. Pendant que Napoléon méditait une descente en Angleterre, il eut la douleur de voir les flottes combinées de la France et de l’Espagne anéanties par Nelson à Trafalgar ; mais sur terre il compensa cet échec par une suite de victoires éclatantes : maître d’Ulm et de Vienne même, il acheva d’écraser les Aus-


tro-Russes à la bataille d’Austerlitz (2 déc. 1805) Cette campagne fut terminée par la glorieuse paix de Presbourg (26 déc. 1805), qui ajoutait au royaume d’Italie les États de Venise, créait les royaumes de Wurtemberg et de Bavière en faveur de princes alliés de Napoléon, et donnait le grand-duché de Berg à Murat, son beau-frère. Bientôt après, le roi des Deux-Siciles, Ferdinand IV, dépouillé du roy. de Naples (1806), fut remplacé par Joseph Bonaparte et alla régner en Sicile ; Louis, un autre de ses frères, devint roi de Hollande ; la Confédération du Rhin prit naissance : 14 princes y accédèrent ; l’empire d’Allemagne cessa, et Napoléon, sous le titre de Protecteur, fut officiellement reconnu président-perpétuel de cette agglomération de princes, qui tous devaient prendre part à ses guerres, et l’appeler à leur secours en cas d’attaque. Cette création si importante, l’occupation du Hanovre, enlevé dès 1803 aux Anglais par la France, les subsides fournis par l’Angleterre, les promesses des Russes, déterminèrent la Prusse à tenter une contre-confédération, puis à prendre ouvertement les armes contre la France. Napoléon détruisit cette 4e coalition par ses deux campagnes de 1806 et 1807, l’une en Allemagne, l’autre en Pologne : les victoires d’Auerstædt et d’Iéna, suivies de l’occupation de Berlin, signalèrent la première ; les sanglantes batailles d’Eylau, de Friedland, la deuxième : la paix de Tilsitt signée par Alexandre et Napoléon (8 juill. 1807), après la célèbre entrevue sur le Niémen, mit fin à la guerre, et, en ôtant à la monarchie prussienne la moitié de ses provinces, créa pour Jérôme Bonaparte le royaume de Westphalie, érigea la Saxe en royaume et fit de la Prusse polonaise le grand-duché de Varsovie, qui fut conféré au roi de Saxe. Des articles secrets autorisaient la Russie à s’emparer de la Finlande, la France à s’adjuger l’Espagne, et équivalaient au fond au partage de l’Europe, moins l’Angleterre et la Turquie. Alexandre promit aussi de favoriser le Blocus continental, système imaginé par Napoléon pour porter le coup mortel à l’Angleterre en lui fermant tous les ports de l’Europe (décret de Berlin du 21 nov. 1806). Bientôt la Toscane est occupée (1806), le Portugal envahi (1807), Flessingue réuni à l’Empire. Vers la même époque, Napoléon supprime le Tribunat, institue une noblesse héréditaire et crée l’Université (17 mars 1808) ; en même temps, il renouvelait la face de la capitale et ouvrait la 1re exposition de l’industrie. — Cependant, à la faveur du traité de Fontainebleau, qui permettait à nos troupes de traverser la Péninsule pour aller combattre les Portugais, alliés de l’Angleterre, Murat et 80 000 hommes s’étaient introduits en Espagne, et avaient été témoins des haines et des discordes de la famille royale : Charles IV et ses fils, attirés à Bayonne, prennent pour arbitre Napoléon, qui leur arrache une double abdication ; les retient prisonniers et donne le trône à son frère Joseph, qu’il appelle de Naples. Mais l’Espagne résiste énergiquement : la défaite et la capitulation de Dupont à Baylen, celle de Junot à Cintra, commencent nos revers. Bien que Napoléon, par sa présence (déc. 1808), rétablisse un moment les affaires, et malgré les glorieux efforts de Soult, de Masséna, de Suchet, l’Espagne, aidée de l’Angleterre, couverte de guérillas, animée par ses juntes et ses moines, lutte opiniâtrement, et, bien que cent fois vaincue, dévore en cinq ans (1808-1813) plus de 400 000 hommes, Français, Allemands, Italiens et Polonais. Profitant de l’affaiblissement produit par tant de pertes et de l’impopularité causée en Europe par la guerre d’Espagne, l’Angleterre suscite en 1809 contre Napoléon une 5e coalition, dans laquelle l’Autriche prend la principale part. L’Empereur n’a plus d’allié que la Russie ; néanmoins il gagne les batailles d’Abensberg, d’Eckmühl, de Ratisbonne, bombarde Vienne, la prend de nouveau et occupe l’île de Lobau ; il obtient à Essling un avantage chèrement payé et remporte la victoire décisive de Wagram, qui amène l’armistice de Znaym, en Moravie (11 juill. 1809),