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de Comte de Lille. Il fit d'abord de l'opposition, soit dans l’Assemblée des Notables, soit aux États généraux, et vota pour que le Tiers-État envoyât aux États généraux autant de membres que les deux autres ordres réunis; mais, à la vue des premiers excès, Il se prononça pour la contre-révolution et fut même accusé d'avoir suscité le complot de Favras (V. ce nom); il émigra le 20 juin 1791, peu d'instants après le départ de Louis XVI pour Montmédy. Plus heureux que son frère, il atteignit Bruxelles, d'où il provoqua la déclaration du Congrès de Pilnitz. L'année suivante (1792), il vint, à la tête de 6000 hommes, se réunir à l'armée prussienne qui marchait sur la France; mais la défaite de Valmy détruisit ses espérances. Après la mort du dauphin (Louis XVII), le comte de Provence prit le titre de roi sous le nom de Louis XVIII (1795); il fut reconnu comme tel par les puissances étrangères. L'armée de Condé, dans les rangs de laquelle il s'était réfugié, ayant été repoussée, il chercha successivement un asile à Vérone, à Blankenbourg (Brunswick), puis à Mitau (Courlande), à Varsovie, ne cessant d'entretenir des relations avec les royalistes restés en France et cherchant à gagner les hommes les plus influents (Pichegru, Moreau, Barras); il repoussa énergiquement de Varsovie des propositions qui avaient pour but de le déterminer à renoncer à ses prétentions, 1803. En 1807 il se rendit en Angleterre; il séjourna à Hartwell depuis 1811 jusqu'aux événements de 1814. Appelé au trône par le Sénat sous la pression de l'étranger après la chute de Napoléon, il rentra en France le 24 avril 1814, et data de la XIXe année de son règne. A son avènement il donna une Charte constitutionnelle (4 juin), qui lui concilia d'abord les esprits, mais bientôt les exigences et les excès des ultra-royalistes et du clergé le rendirent impopulaire et amenèrent le retour de Napoléon (mars 1815) : il s'éloigna précipitamment et se retira à Gand; après la bataille de Waterloo il rentra de nouveau en France (juillet 1815). Son retour fut signalé par de sanglantes exécutions et par d'odieux assassinats (Ney, Labédoyère, Brune, Ramel, etc.); les royalistes qui remplissaient la Chambre introuvable se portèrent à de tels excès que le roi se vit forcé lui-même de dissoudre cette chambre (1816). Ce prince allégea autant qu'il le put les charges imposées par l'occupation : il obtint, par l'influence du duc de Richelieu, son premier ministre, la retraite des troupes étrangères avant l'époque stipulée. Son règne ne fut guère rempli que par des discussions parlementaires qui eurent pour effet d'asseoir en France le gouvernement constitutionnel; le seul événement militaire qui ait eu lieu est l'expédition d'Espagne, faite en 1823, dans le but de replacer Ferdinand VII sur son trône, et commandée par le neveu du roi, le duc d'Angoulême. Louis XVIII était un prince éclairé, assez favorable aux idées libérales; mais il eut sans cesse à lutter contre le parti des émigrés, à la tête duquel était son propre frère; il se trouva par là conduit à suivre une politique de bascule : le ministre qui répondait le mieux à ses sentiments personnels était M. De Cazes. Ce prince avait de l'esprit; il aimait les lettres : il appréciait surtout Horace; il patronna la publication des Classiques latins de Lemaire; il fonda l’École des Chartes, mais il supprima l’École Normale. Il ne laissa point d'enfants et eut pour successeur son frère Charles X. Sa Vie a été écrite par Alph. de Beauchamp et par Barbet du Bertrand, 1825. Les Mémoires de Louis XVIII publiés par Lamothe-Langon (1831-33) sont apocryphes. Louis XVIII avait été surnommé par les royalistes Louis le Désiré.

LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, fils aîné de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans (dit Philippe-Égalité), né à Paris en 1773, porta d'abord le titre de duc de Chartres, fut confié, ainsi que sa sœur Adélaïde, aux soins de Mme de Genlis, qui lui donna une éducation à la Jean-Jacques; reçut dès 1785 le brevet de colonel des dragons de Chartres, adopta avec enthousiasme les principes de la Révolution, courut à la frontière se mettre à la tête de son régiment aussitôt que l'étranger eut envahi le sol français, se signala au combat de Quiévrain, à Valmy et surtout à Jemmapes (6 nov. 1792), où il commandait comme lieutenant général et où il décida la victoire; n'en fut pas moins proscrit en 1793, se vit alors forcé de quitter l'armée avec Dumouriez, son général en chef, mais refusa les offres avantageuses que lui faisait le général autrichien s'il voulait servir contre la France; se réfugia avec sa sœur en Suisse, y vécut sous un nom supposé, et professa pendant 8 mois dans le modeste collège de Reichenau (Grisons); quitta cette retraite pour visiter les contrées septentrionales, et pénétra jusqu'au cap Nord; s'embarqua pour l'Amérique en 1796, afin d'obtenir l'élargissement de sa mère et de ses frères détenus en France, vint en 1800 se fixer en Angleterre, habita sept années, avec ses frères, la résidence de Twickenham, qu'il ne quitta que pour accompagner à Malte le duc de Beaujolais, son plus jeune frère, atteint d'une maladie mortelle, se rendit de là à Palerme auprès de Ferdinand IV; roi des Deux-Siciles, et y épousa la princesse Marie-Amélie (1809); reçut peu après de la junte de Séville l'invitation de se rendre en Espagne pour se mettre à la tête du parti national et repousser l'invasion française, se rendit à cet effet en Catalogne, puis à Séville (1810), mais ne fut pas soutenu par ceux mêmes qui l'avaient appelé, et se rembarqua pour la Sicile; revint en France dès qu'il eut appris les événements de 1814, mais fut accueilli très-froidement de Louis XVIII, qui lui refusa le titre d'altesse royale; fut cependant investi d'un commandement supérieur dès que l'on connut le débarquement de Napoléon (mars 1815); séjourna de nouveau en Angleterre pendant les Cent-Jours, fut, à son retour, l'objet des défiances de Louis XVIII, ce qui l'obligea à retourner en Angleterre; ne rentra définitivement en France qu'en 1817, devint bientôt, par l'effet même de l'état de disgrâce dans lequel il était laissé, un point de ralliement pour les libéraux et les mécontents, s'entoura des notabilités littéraires et politiques de l'époque; acquit ainsi une grande popularité, et se trouva tout désigné à l'opinion publique lorsque éclatèrent les événements de 1830. Il accueillit dès le 31 juillet le vœu des députés qui le pressaient de remplir les fonctions de lieutenant général du royaume, fonctions auxquelles Charles X l'appelait de son côté, convoqua les Chambres, qui lui déférèrent la royauté, et reçut la couronne, avec le nom de Louis-Philippe, après avoir prêté serment à la nouvelle constitution, promettant que la Charte serait désormais une vérité (9 août). Placé entre des partis extrêmes, le nouveau roi adopta une politique de modération et d'équilibre que l'on a désignée sous le nom de juste-milieu; toutefois il se montra, selon les circonstances, plus ou moins favorable au mouvement ou à la résistance; de là divers ministères que les noms de leurs chefs caractérisent assez : au début, Dupont de l'Eure et Laffitte (1er août, 2 nov. 1830), puis Casimir Périer (13 mars 1831), continué par le maréchal Soult (11 oct. 1832); M. Thiers (22 fév. 1836 et 1er mars 1840), M. Molé (6 sept. 1836 et 15 avril 1837), enfin M. Guizot (29 oct. 1840-23 février 1848). Les principaux événements politiques de ce règne sont : le refus fait par le roi du trône offert par les Belges à son fils, le duc de Nemours (17 fév. 1831), l'entrée en Belgique d'une armée française (9 août), qui repousse les Hollandais et consomme la séparation des deux peuples par la prise d'Anvers (23 déc. 1832); le mariage de la princesse Louise avec le roi des Belges (9 août 1832); l'expédition contre le Portugal dirigée par l'amiral Roussin, qui force l'entrée du Tage (11 juillet 1831) et dicte des conditions à don Miguel; l'occupation d'Ancône par nos troupes (23 fév. 1832), occupation qui arrête les progrès des Autrichiens en Italie; la répression des insurrections de Lyon (21 nov. 1831 et 9 avril 1834) et de Paris (5 et 6 juin