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royaume, après la mort de Blanche de Castille, il s'appliqua à faire disparaître les abus, rendit lui-même la justice, donna les lois les plus sages, fit revivre le commerce par de nouveaux règlements, abolit les combats judiciaires, les guerres privées, fonda l'hospice des Quinze-Vingts, et commença la construction de la Sorbonne; en même temps, il déployait toute sa sévérité contre les restes des Albigeois et les Vaudois. En outre, il voulut assurer la paix extérieure et signa dans ce but les traités de Corbeil (1258) et d'Abbeville (1259) : par le 1er, conclu avec le roi d'Aragon, il renonçait à toute suzeraineté sur la Catalogne, la Cerdagne et le Roussillon, et obtenait en échange la renonciation du roi à tous les hommages qu'il prétendait dans le Languedoc; par le 2e, conclu avec le roi d'Angleterre, il rendait les conquêtes faites par son père sur les Anglais (Limousin, Périgord, Quercy, Agénois, partie de la Saintonge), à la condition, pour Henri III, de renoncer à toute prétention sur la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Poitou, etc. Sur les conseils intéressés de son frère, Charles d'Anjou, roi de Naples, il entreprit, en 1270, une nouvelle croisade, qu'il dirigea contre Tunis. Il débarqua heureusement et obtint d'abord quelques avantages; mais la peste s'étant mise dans son armée, il en mourut lui-même, peu après son arrivée. S. Louis avait une telle réputation de justice que deux fois il fut pris pour médiateur, d'abord entre le pape Grégoire IX et l'emp. Frédéric II, puis entre le roi d'Angleterre Henri III et ses barons (1263). Il brillait surtout par la piété et fut de son vivant même regardé comme un saint. Louis IX fit beaucoup pour la puissance royale, soit par l'autorité morale dont il entoura la royauté, soit en soumettant les vassaux révoltés et en affranchissant les communes. On lui attribue une célèbre Pragmatique sanction, qu'il aurait publiée en 1269, et qui aurait eu pour but de conserver les anciens droits des églises cathédrales et la liberté des élections; mais l'authenticité de cet acte est fortement contestée. On a publié, sous le titre d’Établissements de S. Louis (Paris, 1786), le recueil des lois et ordonnances qu'avait rendues ce prince; ses Statuts des Métiers de Paris ont paru de nos jours dans les Documents inédits sur l'Histoire de France. S. Louis fut canonisé en 1297; on le fête le 25 août. Avant la Révolution, l'Académie française faisait prononcer tous les ans au 25 août son panégyrique. Sa vie a été écrite par Joinville, son ami, par Geoffroy de Beaulieu, Guillaume de Nangis, et plus récemment par Choisy, Tillemont, Filleau de La Chaise et Villeneuve-Trans. MM. Beugnot et Mignet ont écrit sur ses institutions. Le P. Lemoyne a fait un long poëme de S. Louis. — Pour l'Ordre de St-Louis, V. après les noms propres.

LOUIS X, le Hutin, fils aîné de Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre, né à Paris en 1289, m. en 1316, fut reconnu roi de Navarre en 1305, roi de France en 1314, et fut couronné en 1315, à Reims. Comme il résidait en Navarre au moment de la mort de son père, Charles de Valois, son oncle, se mit à la tête du gouvernement jusqu'à son arrivée. Louis ne sut pas résister à la réaction féodale qui suivit la mort de Philippe IV; cependant il parvint à repousser le comte de Flandre, qui voulait reprendre ce qu'il avait perdu sous le règne précédent; pour soutenir cette guerre, il accabla le peuple d'impôts, pilla les Juifs et les marchands lombards, et força tous les serfs à racheter leur liberté. Le surnom de Hutin lui fut donné, selon les uns, parce qu'il était mutin, querelleur; selon d'autres parce qu'il réduisit les Hutins, séditieux de Navarre. Il épousa successivement Marguerite de Bourgogne (V. ce nom) et Clémence de Hongrie : il eut de cette dernière un fils posthume, Jean I.

LOUIS XI, fils de Charles VII, né à Bourges en 1423, prit part dès l'âge de 17 ans à la révolte connue sous le nom de la Praguerie, se révolta de nouveau en 1456, et s'enfuit, pour éviter le châtiment qu'il méritait chez le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, à la cour duquel il resta jusqu'à la mort du roi. En montant sur le trône (1461), il fit de belles promesses, qu'il ne tarda pas à violer en augmentant les impôts, et il effraya par des supplices les villes qui témoignaient leur mécontentement (Reims, Angers, etc.). En même temps il éloigna des hauts emplois les hommes de la plus illustre naissance, et donna toute sa confiance à des gens obscurs tirés de la lie du peuple, tels qu'Olivier Le Dain, son barbier, le prévôt Tristan, qu'il nommait son compère. En 1465, les seigneurs mécontents, ayant à leur tête Charles, duc de Berry, son propre frère, Charles de Charolais (le Téméraire), fils du duc de Bourgogne, et le duc de Bretagne, formèrent contre lui une ligue redoutable, la ligue du Bien public : il leur livra la bataille de Monthléry (1465), dont le succès resta douteux; mais il sut dissoudre la ligue en traitant avec chacun de ses ennemis en particulier (traités de Conflans et de St-Maur) : il donna la Normandie à son frère, quelques places de la Picardie au duc de Bourgogne, et l'épée de connétable au comte de St-Pol; mais, aussitôt la ligue dissoute, il les attaqua chacun séparément. Il reprit à son frère la Normandie, mais il ne fut pas aussi heureux avec le duc de Bourgogne : celui-ci, irrité de la révolte de Liége, que Louis XI avait excitée, le retint prisonnier à Péronne, où il s'était rendu pour une conférence, et Louis fut contraint, pour obtenir sa liberté, d'accompagner le duc de Bourgogne au siége même de la ville révoltée, et de lui céder de nouvelles places en Picardie (1468). Se croyant trahi par le cardinal La Balue, son ministre, il le fit emprisonner et le tint, dit-on, pendant 11 ans enfermé dans une cage de fer. On le soupçonne d'avoir fait empoisonner en 1472 le duc de Berry, son frère, qui s'était révolté de nouveau; puis il recommença la guerre avec le duc de Bourgogne qui voulait venger cette mort, et qui se plaignait de l'inexécution du traité de Péronne. Une nouvelle coalition s'était formée contre lui entre le duc de Bourgogne, le duc de Bretagne et le roi d'Angleterre; mais il sut la rompre, et obtint une paix avantageuse par le traité de Picquigny (1475). S'étant fait livrer le connétable de St-Pol et le comte d'Armagnac, tous deux rebelles, il leur fit trancher la tête : il ajouta, dit-on, au supplice du dernier d'horribles cruautés (V. ARMAGNAC). A la mort du duc de Bourgogne (1477), il tenta d'enlever à Marie, fille du duc, la riche succession de ce prince : malgré les efforts de Maximilien d'Autriche, qui avait épousé cette princesse, et qui obtint sur lui un avantage à Guinegatte (1479), il s'empara de la Picardie, de l'Artois, du duché de Bourgogne et de la Franche-Comté comme étant des fiefs masculins, et par conséquent réversibles à la couronne. Peu après, il réunit aussi au domaine la Provence, le Maine, l'Anjou, ainsi que le comté de Bar, comme héritier de René d'Anjou (1480-81). Louis XI mourut peu après (1483) au château du Plessis-lès-Tours, où il se tenait depuis longtemps enfermé, livré, dans l'appréhension de la mort, aux pratiques d'une dévotion superstitieuse : il croyait prolonger ses jours en s’entourant de reliques, et fit venir de Calabre Franç. de Paule, espérant obtenir de lui par un miracle le rétablissement de sa santé. Il laissa le trône à son fils Charles VIII, sous la régence d'Anne de Beaujeu. Louis XI était perfide, cruel, vindicatif, superstitieux, défiant, et surtout dissimulé; il avait pour maxime : Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner; on l'a comparé à Tibère. Malgré tous ses vices, on doit reconnaître qu'il rendit des services à la France : il agrandit le royaume et fit de grands pas vers l'unité territoriale, affaiblit les grands vassaux et releva l'autorité royale; ce qui a fait dire qu'il avait mis les rois hors de page. Il favorisa les bourgeois, institua la poste aux chevaux (1461), créa plusieurs parlements (Grenoble, Bordeaux, Dijon), et plusieurs universités (Valence, Bourges, Caen, Besançon), fit venir des imprimeurs de Mayence, établit des manufactures de soie et d'é-