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GÉOGRAPHIE ANCIENNE. — N° 13. L'ancien Latium. 825


pas au temps d'Énée, car Virgile n'était pas géologue, mais au temps de Virgile, car il a décrit très-exactement le pays tel qu'il le voyait. Or l'emplacement que nous avons donné à Ostia sur la rive gauche du fleuve, d'après les ruines qui en subsistent aujourd'hui, marque le point où s'arrêtait la terre et où commençait la mer au temps du poëte. Le Lacus Ostiensis existait. Troja fut établie près du lieu de débarquement, entre le fleuve et le lac. Le camp troyen faisait face à la mer, et l'espace entre le lac et la mer était très-étroit. La Sylva Laurentina était derrière le lac, et la ville de Laurentum est déterminée au S.-E. par la route Laurentina, encore visible aujourd'hui. — Lavinium est certainement aux masures de Pratica ; le rio di Pratica est le Numicius ; les macchie ou petits bois de la rive droite, rappellent le Lucus consacré à Jupiter Indiges. La chapelle de S. Anna Petronilla, près d'une petite source, rappelle le temple et la source de la nymphe Anna Perenna, d'Ovide ; l'Anna soror de Virgile. Lavinium, s'appela sous l'Empire Lauro-Lavinium. La Fontaine de Juturna ou le Lac de Turnus est vers la source du rio di Pratica. L'Albunea de Virgile et l'oracle de Faune sont très-reconnaissables à la Solforata d'Altieri ; la description de Virgile est littéralement exacte. Le bois de Picus n'a pas changé de nom et s'appelle aujourd'hui Macchie di Pichi. Près de là, au S.-E., est le pays des Rutules, avec sa capitale, Ardea, Ardia, le Lucus Pilumni, le Castrum Inui et les eaux sulfureuses d'Ardée.

Il faut citer, dans le Latium maritime, comme appartenant à une autre époque, le remarquable système des ports qui furent substitués, sur la rive droite, à l'ancienne Ostia de la période royale et républicaine. Lorsque le fleuve se partagea en deux bras et que l'Insula Sacra fut formée par suite des atterrissements, Claude fit creuser un port, encore parfaitement visible, et Trajan l'agrandit. — Ce port, qui avait son accès sur la mer à quelque distance de l'embouchure du Tibre, communiquait, d'autre part, avec le fleuve au-dessus de sa barre. Par cette disposition le problème était résolu et la navigation dégagée des entraves de la barre, toujours si graves dans les fleuves des mers intérieures. Les Salinæ furent établies et existent encore aujourd'hui entre le lac d'Ostie et le fleuve.


Nous citerons enfin sur le bord de la mer, la villa de Pline le Jeune que l'on peut restituer d'après sa description et celle d'Hortensius ; — chez les Rutules. le temple de Vénus ; — et, chez les Volsques, Antium, Nettuno, avec la villa de Néron.

Aqueducs anciens.

Rome est aujourd'hui la première ville du monde par l'abondance, la limpidité et la fraîcheur de ses eaux. Elle n'en a que la 10e partie environ de ce que la Rome ancienne des Césars en possédait. Nous avons un rapport officiel adressé par Frontin, curator aquarum, surintendant des aqueducs, à Trajan. Ce rapport mentionne 13 aqueducs ; la Notitia en mentionne 17 ; Aurelius Victor, 20. Au temps de Procope, au vie siècle, il y avait encore 14 aqueducs sous les arcades desquels pouvait passer un homme à cheval. Voici le tableau comparatif des aqueducs suivant les trois premiers auteurs.

Frontin. P. Victor. Notitia.
Appia, Appia, Trajana,
Anio Vetus, Marcia, Annia.
Marcia, Virgo, Alsia,
Tepula, Claudia, Claudia,
Julia, Herculanea, Marcia,
Crabra, Tepula, Herculea,
Virgo, Damnata, Julia,
Alsietina, Trajana, Augustea,
ou Augusta, Annia, Appia,
Augusta (de Rome) Alsia, Alsietina,
Augusta (de l'Anio) Cærulea, Setina,
Octaviana, Julia, Ciminia,
Claudia, Algentiana, Aurélia,
Anio Novus. Ceminia, Damnata,
Sabatina, Virgo,
Aurélia, Tepula,
Septimiana, Severiana,
Severiana,
Antoniniana,
Alexandrina.

Les principaux aqueducs sont tracés sur notre carte avec la source d'où ils tiraient leurs eaux ; on pourra se rendre compte de leurs directions et de la distance qu'ils parcouraient.

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CARTE N° 14.

LE MONDE ANCIEN A L'ÉPOQUE DE LA PRISE DE CARTHAGE.

GÉOGRAPHIE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE.

Sources et documents : Dépouillement des textes anciens, travaux modernes de Eeeren, Boeckh, Mommsen, les statistiques comparées, etc.

1° L'Espagne[1] fut occupée d'abord par les Ibères, peut-être originaires d'Afrique. Elle fut colonisée ensuite par les Carthaginois (race phénicienne), au sud et sur les côtes ; elle eut quelques établissements grecs sur les côtes orientales. Elle reçut aussi des Celtes qui, se mélangeant aux Ibères, formèrent au N. E., les Celtibériens, et au N. O. les Galliciens.

Si l'Ibérie a donné 50 000 h. à Hasdrubal et a marchandé 3000 h. à Scipion, c'est que sa politi-


que consistait à favoriser Carthage et à servir plutôt les intérêts commerciaux de cette république que les Romains, le but des premiers étant la prospérité agricole, industrielle et commerciale, celui des seconds la domination politique exclusive à leur profit.

Divisions : 2 provinces : Citérieure, Ultérieure, administrées par des préteurs annuels. L'Espagne Citérieure comprenait les Gallæci, les Cantabri, les Vascones, les Ilergetes (cours supérieur de l'Èbre), les Celtiberi, les Carpetani (Castille), les Olcades (bassin super, du Tage), les Oretani (rives du Guadalquivir).

  1. 1. Pour la géographie détaillée de oe pays, voyez le tableau et la carte n° 19.