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LA PALMERAIE DE BANDAN

verte, sans une goutte d’eau. Dure étape que cette chevauchée de 60 kilomètres, parmi les petits cailloux blancs et noirs qui roulent à chaque pas sous les pieds de nos bêtes.

Il est tard quand nous atteignons enfin l’antique forteresse de Bandan ; c’est l’heure où l’on va cuire le pain dans les cônes d’argile et, de tous côtés, de hautes flammes claires s’élancent en tourbillons vers le ciel, mettant comme des reflets d’incendie sur les murailles toutes proches. Les femmes vêtues de rouge causent en groupes pittoresques autour de chaque feu et l’on dirait une réunion de sorcières assemblées pour quelque fantastique sabbat…

La palmeraie de Bandan, située dans le fond d’une gorge étroite, est la porte du Seïstan vers le nord ; de l’autre côté d’un passage rocheux commencent les territoires du Kaïnat. Nous franchissons ce col, obstrué par d’énormes blocs de granit, le 31 décembre vers midi et dévalant le long de la ligne de plus grande pente d’un immense glacis absolument désertique, nous atteignons de bonne heure le point d’eau appelé Al-Abad.

C’est dans l’unique maison à moitié démolie de cette oasis abandonnée, dans une salle basse ouverte à tous les vents, que nous passons la dernière nuit de 1906. Pourtant nous avons le respect des vieilles traditions et nous voudrions, comme aux heures familiales de jadis, fêter dignement la nouvelle année. Mais comment faire ? Nous n’avons par ici ni dinde rebondie,

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