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SRINAGAR, LA VENISE DE L’INDE

hâte on cherchait vainement un sommeil réparateur, la grâce du paysage si vivant nous égaye et c’est d’un pas léger, dans le bavardage et les rires, que nous descendons en des étapes charmantes cette délicieuse vallée du Sindh. Çà et là des chalets aux assises de pierres surgissent au détour du chemin, puis ce sont les rizières et les troupeaux de buffles, aux longues cornes en croissant. Plus bas encore fleurissent les aubépines et les églantiers sauvages ; les cigales chantent, les montagnes s’abaissent… et le 8 octobre, voilà qu’apparaît dans la claire lumière du matin le grand lac couleur d’opale. Nous sommes dans la capitale du Kachmir, Srinagar, la Venise de l’Inde.

La même pensée traverse notre esprit, à Zabieha et à moi : nous éprouvons quelque émotion à toucher cette ville, terme d’une première étape où les difficultés ne nous ont pas manqué. Mais une seconde étape nous attend : le temps de secouer la poussière récoltée sur le Toit du Monde et nous irons affronter les sables du Béloutchistan. Faut-il l’avouer, c’est l’imprévu qui nous attire ; demain nous aurons oublié la vallée claire et riante que nous venons de parcourir sans fatigue, mais nous garderons toujours vivant le souvenir du désert, des passes peu accueillantes, des heures pénibles, des nuits sans sommeil ; car c’est là ce qu’on recherche invinciblement, c’est vers cet inconnu que l’on marche toujours, avec le frisson délicieux et la joie du mystère dont on va soulever le voile.

Dès l’arrivée nous nous présentons au colonel

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