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RÉFLEXIONS AU CRÉPUSCULE

bon cœur et manger en conscience les vingt ou trente plats du menu, cependant que des boys, aux longues tuniques bleues, agitent en cadence de larges éventails en plumes de vautour.

Rendus sur le tard au calme de notre demeure, nous éprouvons une véritable joie à nous étendre dans la cour sur de beaux et confortables tapis. L’heure est exquise ; dans le charme de cette journée à son déclin, j’admire les délicates colorations d’un ciel où vont apparaître les étoiles. Peu à peu, le crépuscule jette son voile sur les clartés roses du couchant ; des pensées mélancoliques traversent mon esprit. Je songe que demain, sans doute, je verrai s’éloigner un ami de vieille date et je m’attriste de cette séparation prochaine.

Maintenant la nuit est tout à fait venue. Un fin croissant de lune monte au-dessus de la mosquée voisine et, tandis que s’éteignent dans l’air moins brûlant du soir les derniers appels de la prière, il me semble entrevoir déjà, dans un lointain de rêve oriental, toute la magie de ces Indes merveilleuses que nous allons essayer d’atteindre par delà les mornes solitudes du Karakoroum.