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MELÆNIS

» Veux-tu voir, en un jour, ses jeunes ans ternis ?
» Son front chauve, creusé d’une ride éternelle ?
» Et tout son corps tremblant sur ses pieds engourdis ?…

» J’ai le cumin sauvage et l’herbe de Colchide
» Qui font pâlir la face et s’éteindre les yeux.
» Du serpent Sepédon j’ai le venin fameux :
» Quatre gouttes au plus de ce poison fluide
» Changent l’adolescent en un vieillard livide,
» Qui va, le dos courbé, sans barbe et sans cheveux.

» S’il traverse les flots, si son coursier l’entraîne,
» S’il tend, près du foyer, sa coupe à l’échanson,
» Ma fille ! avec trois mots j’arrêterai sans peine
» Son vaisseau sur la mer, son cheval dans la plaine,
» Ou d’un cercle fatal, fermant son horizon,
» J’enchaînerai ses pieds au seuil de sa maison ! »