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matérielle pour rendre le sentiment ; — et puis le bon sens français, d’aplomb sur son paisible bidet, tremble d’être emporté dans les cieux, et crie à chaque minute « trop de métaphores ! » comme s’il en avait à revendre.

Peu d’auteurs ont autant pris garde au choix des mots, à la variété des tournures, aux transitions, — et il n’accordait pas le titre d’écrivain à celui qui ne possède que certaines parties du style. Combien des plus vantés seraient incapables de faire une narration, de joindre bout à bout une analyse, un portrait et un dialogue !

Il s’enivrait du rhythme des vers et de la cadence de la prose qui doit, comme eux, pouvoir être lue tout haut. Les phrases mal écrites ne résistent pas à cette épreuve ; elles oppressent la poitrine, gênent les battements du cœur, et se trouvent ainsi en dehors des conditions de la vie.

Son libéralisme lui faisait admettre toutes les écoles ; Shakespeare et Boileau se coudoyaient sur sa table.

Ce qu’il préférait chez les Grecs, c’était l’Odyssée d’abord, puis l’immense Aristophane, et parmi les latins, non pas les auteurs du temps d’Auguste (excepté Virgile), mais les autres qui ont quelque chose de plus roide et de plus ronflant, comme Tacite et Juvénal. Il avait beaucoup étudié Apulée.

Il lisait Rabelais continuellement, aimait Corneille