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où l’emphase atteint au sublime de l’ennui. Un autre ayant abattu d’un coup de fouet une vipère, il lui expédia un morceau intitulé : Lutte d’un monstre et d’un artiste français, qui contient assez de tournures poncives, de métaphores boiteuses et de périphrases idiotes pour servir de modèle ou d’épouvantail. Mais son triomphe c’était le genre Béranger ! Quelques intimes se rappelleront éternellement le Bonnet de coton, un chef-d’œuvre célébrant « la gloire, les belles et la philosophie », à faire crever d’émulation tous les membres du Caveau[1] !

Il avait le don de l’amusement, — chose rare chez un poëte. Que l’on oppose les pièces chinoises aux pièces romaines, Néera au Lied-normand, Pastel à Clair de lune, Chronique du printemps à Sombre Églogue, le Navire à une Soirée, et on reconnaîtra combien il était fertile et ingénieux.

Il a dramatisé toutes les passions, dit les plaintes de la momie, les triomphes du néant, la tristesse des pierres, exhumé des mondes, peint des peuples barbares, fait des paysages de la Bible et des chants de nourrice. Quant à la hauteur de son imagination, elle paraît suffisamment prouvée par les Fossiles, cette œuvre que Théophile Gautier appelait « la plus difficile, peut-être, qu’ait tentée un poëte ! » j’ajoute : le

  1. Voir à la fin du volume.