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dans Festons et Astragales ; puis le poème de Melænis, publié par la Revue de Paris, à la veille du coup d’État.

Le moment était funeste pour les vers. Les imaginations, comme les courages, se trouvaient singulièrement aplaties, et le public, pas plus que le pouvoir, n’était disposé à permettre l’indépendance de l’esprit. D’ailleurs le style, l’art en soi, paraît toujours insurrectionnel aux gouvernements et immoral aux bourgeois. Ce fut la mode, plus que jamais, d’exalter le sens commun et de honnir la poésie ; pour pouvoir montrer du jugement, on se rua dans la sottise ; tout ce qui n’était pas médiocre ennuyait. Par protestation, il se réfugia vers les mondes disparus et dans l’extrême-Orient : de là les Fossiles et différentes pièces chinoises.

Cependant la province l’étouffait. Il avait besoin d’un plus large milieu, et, s’arrachant à ses affections, il vint habiter Paris.

Mais à un certain âge, le sens de Paris ne s’acquiert plus ; des choses toutes simples pour celui qui a humé, enfant, l’air du boulevard, sont impraticables à un homme de trente-trois ans qui arrive dans la grande ville avec peu de relations, pas de rentes et l’inexpérience de la solitude. Alors de mauvais jours commencèrent.

Sa première œuvre, Madame de Montarcy, reçue à correction par le Théâtre-Français, puis refusée à une seconde lecture, attendit pendant deux ans, et ne