Le fringant officier, du temps de l’Empereur,
Quand son sabre traînait, en sonnant, sur les dalles,
Pouvait montrer, du moins, aux nations rivales,
La blessure à son front et la croix sur son cœur.
Tous, page aux cheveux blonds, marquis à l’habit rose,
Ceux de quatre-vingt-treize et de mil huit cent deux,
Esprit, grâce ou fierté, tous avaient quelque chose
Dont le monde longtemps se souvint après eux.
Mais lui, qu’a-t-il gardé, le lion ridicule,
Le Richelieu bourgeois, le don Juan roturier,
Grotesque conquérant à la barbe d’Hercule,
Marquis de Carabas, dont le père est meunier !
Dites ? quel est son droit ? quel laquais en démence
Sur des coussins de pourpre enivra son enfance ?
Au peuple que son char éclabousse en chemin
Quel blason montre-t-il, sur un vieux parchemin ?
Lui, qui siffla jadis les nobles d’un autre âge !
Lui, que berça Juillet, au branle du canon.
Valet qui des grandeurs a fait l’apprentissage,
Insolent, moins l’esprit, vaniteux, moins le nom.
Ah ! c’est pitié de voir ce commis hors d’haleine,
Bouffi dans son orgueil et dans son habit noir,
Faire, à l’égal d’un droit, sonner sa bourse pleine,
Et secouer au vent la poudre du comptoir.
Bravo ! marchands dorés ! nobles fils de famille !
Du talon, sans remords, foulez le peuple impur !
Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/88
Cette page n’a pas encore été corrigée