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Le Lion


 
À Eugène Delattre.


Quand, dans le vieux Paris, les mignons pleins de joie
Secouaient, en passant, l’ambre de leurs cheveux,
Certe, ils gardaient encor, sous la cape de soie,
La foi des chevaliers et l’honneur des aïeux ;
Dans le coffre aux onguents ils cachaient une épée,
La dague étincelait au bout des colliers d’or,
Et ces enfants d’amour, prêts à toute équipée,
Au nombre des plaisirs avaient compté la mort.

Quand les roués dansaient, aux jours de la Régence,
Blancs de poudre, et musqués, sous un gilet fleuri,
Ils sauvaient la débauche à force d’élégance,
Et n’avaient pas de cœur, tant ils avaient d’esprit.
Quand les beaux muscadins, de leurs jaunes bottines
Frappaient, en sautillant, le pavé des faubourgs,
Ils faisaient leur toilette au pied des guillotines,
Réglaient la carmagnole au rythme des tambours,
Et, secouant le sang de leurs dentelles fines,
De l’humide abattoir ils volaient aux amours.
L’incroyable, appuyé sur sa pomme d’agate,
Portait la République au pli de sa cravate.