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Il a son peuple au long des poteries,
Et règne en paix sur ces magots poupins
Qui vont cueillant des pivoines fleuries
Aux buissons bleus des paysages peints.

Il vient, à l’heure où commencent les sommes,
Quand, sous leurs toits, les vivants sont couchés,
Pour réjouir tous les petits bonshommes
Que le vernis tient au vase attachés.

De l’un à l’autre, il va chanter ses gammes,
Flaire, en passant, le carmin des bouquets,
Ou parle bas avec de belles dames
Qu’on voit sourire à leurs gros perroquets.

Et si, dès l’aube, une maîtresse active
Jette à ses pots son regard empressé,
Elle voit bien, tant la couleur est vive,
Que le dieu Pu dans l’armoire a passé.

— Petit dieu Pu, dieu de la porcelaine,
J’ai, sur ma table, afin d’être joyeux
Lorsque décembre a neigé dans la plaine,
Un pot de Chine, aux dessins merveilleux :

Dans un verger, causent des femmes graves,
Et, sur son banc fait de roseaux tressés,
Un mandarin tend l’oreille à deux braves
Qui sont debout, depuis sept ans passés.