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Quand les marteaux sonnaient en cadence rapide,
Quand l’atelier vivait, fourmillant et joyeux,
Et que, couvrant les murs de sa neige solide,
La poussière du marbre étincelait aux yeux,

C’était ton heure à toi ! ta passion ! ta vie !
À ton front élargi le sang battait plus fort,
Et ton âme flottait, dans l’idéal ravie,
Comme un vaisseau qui chante en s’éloignant du port.

Tu t’exilais du monde au milieu des déesses,
Chœur immobile et blanc qui souriait toujours,
Bacchantes au sein nu, Dianes chasseresses,
Et nymphes dans le bain tordant leurs cheveux lourds.

La beauté qui périt, le sentiment qui passe,
S’arrêtaient dans ton œuvre immortels, radieux ; …
Car tu sors, ô Pradier ! de cette forte race
Qui peupla le ciel vide et nous tailla des dieux !


II


Amis, ne pleurons pas ! au pays bleu des âmes,
Il est, il est peut-être un asile écarté
Où les maîtres divins qu’ici-bas nous aimâmes
Vivent pleins de jeunesse et de sérénité.