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À Pradier.


I


Pradier, ta tombe est close, et la foule écoulée
A quitté le gazon des morts silencieux ;
La muse maintenant de sa douleur voilée,
Va commencer pour toi l’hymne religieux !

D’autres ont mis leur nom sur la strophe légère,
D’autres ont la couleur, ou la note au son pur,
Mais ta pensée, ô maître, est de bronze ou de pierre,
Et, comme un corps vivant, jette son ombre au mur.

Le bloc âpre et rugueux, sous ta main souveraine,
Ondulait comme un dos de léopard dompté ;
Et la forme, à ta voix, touchant le socle à peine,
S’élançait dans sa grâce et sa virginité.