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Je vous apporterai de belles jeunes filles,
Pâles comme des lis, et des enfants tout blonds !
Car c’est pour vous, ô vers, que croissent les familles,
Ainsi que des troupeaux parqués dans les vallons ! »

Et puis, la mort nous quitte et s’en va par la terre ;
Elle franchit les monts et passe les grands flots,
Traînant, comme un butin, le cèdre centenaire,
Ou prenant le navire avec les matelots.

Gloire, gloire au Seigneur ! il fit du ciel immense
Un dais d’azur et d’or à notre royauté.
Où le monde finit, notre empire commence,
Solitaire et profond comme l’éternité.

Toujours retentira la chute monotone
Des siècles, l’un sur l’autre, en la nuit emportés.
Et tomberont, sans cesse, au souffle de l’automne,
La feuille des forêts, et l’homme des cités.

Jusqu’à ces jours lointains de pâle solitude
Où, sur la terre morte étalant notre orgueil,
Nous rongerons le monde en sa décrépitude,
Comme un cadavre froid qui n’a pas de cercueil !