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tion, de poésie, de géométrie, reçut des compliments de Voltaire, correspondit avec Turgot, Condorcet, mangea presque toute sa fortune à s’acheter des coquilles, mit au jour les Aventures de messire Anselme, un Essai sur la faculté de penser, les Étrennes de Mnémosyne, etc., et après avoir été avocat au bailliage de Pau, journaliste à Paris, administrateur de la marine au Havre, maître de pension à Montivilliers, partit de ce monde presque centenaire, en laissant à son petit-fils le souvenir d’un bonhomme bizarre et charmant, toujours poudré, en culottes courtes, et soignant des tulipes.

L’enfant fut placé à Ingouville, dans un pensionnat, sur le haut de la côte, en vue de la mer ; puis, à douze ans, vint au collège de Rouen, où il remporta dans toutes ses classes presque tous les prix, — bien qu’il ressemblât fort peu à ce qu’on appelle un bon élève, ce terme s’appliquant aux natures médiocres et à une tempérance d’esprit qui était rare dans ce temps-là.

J’ignore quels sont les rêves des collégiens, mais les nôtres étaient superbes d’extravagance, — expansions dernières du romantisme arrivant jusqu’à nous, et qui, comprimées par le milieu provincial, faisaient dans nos cervelles d’étranges bouillonnements. Tandis que les cœurs enthousiastes auraient voulu des amours dramatiques,