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Et quand je veux, un jour, visiter mon empire,
Je dis aux vastes mers : « Soulevez mon navire ! »
Aux vents : « Emportez-moi ! »

Gloire à Dieu ! gloire à Dieu ! ma volonté féconde
Est un moule puissant où je jette le monde
Pour qu’il garde mon pli.
Et quand je passe, calme et portant mon idée,
La montagne se range, et la mer débordée
Se refoule en son lit.


III


Le cèdre au front superbe est couché dans la plaine,
L’homme s’est endormi dans son tombeau glacé.
Sur leurs débris sans forme, où le ver se promène,
Un bruit mystérieux lentement a passé :

« À nous, à nous ! les temps et l’avenir sans bornes !
À nous, fils de la mort et frères du destin !
Nous peuplons du néant les solitudes mornes,
Et Dieu, de l’univers, nous fait un grand festin !

La mort, la mort nous aime : au sein de la nuit sombre
Elle ouvre les cercueils avec sa froide main ;
Elle nous dit : « Mes fils, que faites-vous dans l’ombre ?
La tombe est-elle vide, et n’avez-vous pas faim ?