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Et la terre dit aux étoiles :
« Tournez, mes sœurs, planez sans voiles !
Jetez aux cieux votre lueur !
Moi, je suis l’ardente ouvrière
Qui, dans l’ombre ou dans la lumière,
Marche, les pieds noirs de poussière,
Et le front baigné de sueur !…

« Plus de soirs joyeux, plus d’aurore !
Comme un fruit que le ver dévore,
Mon flanc porte un hôte inconnu ;
L’homme, en ses courses incertaines,
A broyé l’herbe de mes plaines,
Et pour tirer l’or de mes veines,
Dans mon sein plongé son bras nu.

« Avec sa rame, avec sa sonde,
Il a heurté la mer profonde,
Et déchiré son manteau bleu !
Sans souci du ciel qui se venge,
En trône il a pétri sa fange,
Et j’ai cru, dans sa force étrange,
Qu’il allait créer comme Dieu.

« Mes monts chancellent, mon sol ploie,
La foudre sur mon front flamboie,
Chaque jour hâte mon déclin,
Ma couronne a ses fleurs fanées,
Et j’ai vu les mers déchaînées