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Quel volcan soulève tes mers ?
À l’heure des brises glacées,
Pourquoi ces plaintes insensées
Qui, dans l’ombre des nuits, poussées,
Réveillent le grand univers ?…

« Dans ta rumeur et ta fumée,
Comme dans un cercle enfermée,
Tu roules ton noir tourbillon.
Et l’on dirait une carène
Que sur la mugissante arène
Le vent des mers toujours entraîne,
Sans boussole et sans pavillon !

« N’as-tu plus tes blondes campagnes,
Tes bois penchés sur tes montagnes,
Tes océans mélodieux ?
Et tes fleurs et tes ruches pleines,
Et tes si charmantes haleines
Que pour s’égarer dans tes plaines,
Les anges s’exilaient des cieux !

« Cesse tes cris, monde en démence !
Laisse en paix, sur ton dos immense,
Flotter au vent tes cheveux d’or.
Doux était ton chant solitaire…
Tu souriais avec mystère…
Souris encore, ô belle terre !
Ô belle terre, chante encor !… »