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Comme un dernier espoir, il la vit tour à tour,
Dans ses rêves la nuit, dans ses pensers le jour,
Et, pour hâter le temps des promesses meilleures,
Mit dans ses doigts osseux le sablier des heures !

Parfois, de la montagne il descendait pieds nus,
Prêchant la loi nouvelle aux peuples inconnus ;
Les guerriers s’arrêtaient, au fort de la bataille,
Le chef aux longs cheveux courbait sa haute taille,
Et, dressé sur le monde, avec ses bras ouverts,
L’arbre du grand supplice abrita l’univers !

On vit naître bientôt, tels qu’une aube affaiblie,
Des siècles pleins de brume et de mélancolie,
Où seule au fond des cœurs la foi veillait encor,
Comme sous les arceaux tremble une lampe d’or !
Dans le bourdonnement des longues sonneries,
Les peuples enfantins berçaient leurs rêveries,
Et, déposant au seuil tout souvenir mortel,
Engourdissaient leur âme aux parfums de l’autel !
Pareille au jour douteux qui, dans les cathédrales,
Tombe des vitraux peints sur le granit des dalles,
La blanche Vérité n’arrivait aux esprits
Qu’à travers la loi sainte et les dogmes écrits,
Crépuscule sans fin, baigné d’éclairs mystiques,
Où les choses prenaient des formes fantastiques !…
Mais l’homme manqua d’air, l’homme étouffa d’ennui.
Et, repoussant le dieu qui s’attachait à lui,
Du temple à deux battants ouvrit les portes sombres !…