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Et dans les passions se vautra sans pudeur,
Comme débarrassé du fardeau de son cœur !
La pâle humanité, dans sa stupeur immonde
Sans courage et sans foi, s’accroupit sur le monde,
Etalant au soleil toutes ses nudités,
Telle qu’un lépreux maigre aux portes des cités !
L’espoir était tombé dans les cœurs en ruines,
Les sages impuissants reniaient les doctrines,
Et l’univers, fétide ainsi qu’un mauvais lieu,
Ne put être lavé que par le sang d’un dieu !

Sous le gibet sacré d’où la lumière tombe,
L’homme, tout ébloui, se dressa dans sa tombe,
Et, le regard fixé sur les sommets lointains,
Traînant comme un linceul sa robe des festins,
Il marcha vers le jour ! Les pierres inégales
Mordirent ses pieds blancs à travers les sandales,
Et, du passé profane expiant la douceur,
Il sua, comme Dieu, sa sanglante sueur !
Il broya sous le fer, il tordit dans les flammes
Sa chair, humide encor des voluptés infâmes,
Et de sa main luisante arrachant les anneaux,
Livra ses ongles vifs aux pinces des bourreaux !
Pour la première fois, sa pensée agrandie
Comprit l’enivrement des pleurs, la mélodie
Des sanglots éternels, et, comme en un bain fort,
Martyr voluptueux, il plongea dans la mort !
La mort !… Il se pâma dans ses caresses rudes,
Sur son grabat d’ermite, au fond des solitudes ;