Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans la citerne fraîche allongeaient leur col roux !
Lorsque la nuit bleuâtre avait tendu ses voiles,
Il suivait, par les cieux, le troupeau des étoiles,
Et, dans sa langue étrange, aux sons rauques encor,
Du nom de ses béliers nommait les astres d’or !…
Parfois, au bruit lointain des ondes cadencées,
Sentant battre en son cœur l’aile de ses pensées,
Il allait éveillant, sous son souffle amoureux,
La musique endormie au fond des roseaux creux !
Il se penchait, parfois, sur la berge des rives,
Rayant le sable fin de lignes fugitives
Et la vague, et les vents, emportaient par lambeaux
L’écriture mêlée aux traces des oiseaux !

Un jour, il s’arrêta, secouant sur le monde
La poudre et la sueur de sa course inféconde,
Et, dans la liberté de son droit souverain,
Bâtit sa tente en marbre et ses dieux en airain !
Il fit monter ainsi, jusqu’aux régions pures,
Le formidable orgueil de ses architectures,
Et les astres, passant sous les chapiteaux lourds,
Comme de blancs oiseaux planaient au front des tours !
La cité, fourmillante et de tumulte pleine,
Enferma dans son mur la montagne et la plaine ;
Comme un serpent captif, le fleuve aux mille bonds
Se tordit écumeux sous l’arche des grands ponts,
Et les larges vaisseaux, fendant les flots rebelles,
S’échappèrent du port en déployant leurs ailes !…
Il partit avec eux, par la brise emporté ;