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Et la foudre sonore, en passant dans les airs,
Frappait son large front de ses rouges éclairs !
Les fleuves gémissaient dans les vastes campagnes,
Les animaux hurlaient au sommet des montagnes ;
Parfois, le ciel immense, éteignant son flambeau,
Sur son sein haletant pesait comme un tombeau,
Et, autour de lui, tels que des geôliers sombres,
Les éléments grondaient dans le gouffre des ombres,
Tandis qu’à l’horizon noir et silencieux,
Des astres palpitants s’ouvraient comme des yeux !
Il se traîna d’abord, sous les forêts désertes,
Dont les dômes flottaient comme des tentes vertes ;
Puis, quand la faim première aboya dans ses flancs,
De l’yeuse sauvage il secoua les glands ;
Arrachant aux bambous la liane en spirales,
Il serra sous ses pieds l’écorce des sandales ;
Et, pour tout vêtement, sur son dos large et fort,
Attacha des grands bœufs la peau fumante encor !
Il s’étendait, la nuit, sous les cavernes creuses ;
Là, durant le frisson des heures ténébreuses,
Peuplant de son effroi l’immensité des cieux,
Dans le bois et la pierre il se tailla des dieux,
Fit couler sur leur corps la graisse des génisses,
Et, tout noircis déjà du feu des sacrifices,
Les prit pour compagnons de ses rudes travaux,
Quand sur le flanc des monts il poussa ses troupeaux !
Longtemps, pasteur nomade, il marcha par le monde,
Déployant au soleil sa maison vagabonde,
Tandis qu’à ses côtés les chameaux, à genoux,