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IV

La nuit, comme une mer, s’étale dans les cieux,
Seul, le faîte indécis des bois silencieux
Se découpe, plus noir, sur l’immensité sombre,
Et la forme et le bruit vont s’effaçant dans l’ombre…
Parfois, épanouie à l’horizon lointain,
Une étoile s’entr’ouvre et se ferme soudain,
Et la terre, étouffant sous les ténèbres lourdes,
Soulève son flanc large avec des rumeurs sourdes !
Pourtant une lueur, vague et douteuse encor,
Du firmament obscur vient effleurer le bord,
Et la lune d’argent, qui dans les ombres nage,
S’élève, par degrés, de nuage en nuage,
Faisant neiger au loin, comme des flocons blancs,
Sa lumière glacée aux reflets vacillants,
Qui, sur les vallons creux et les grands promontoires,
Palpite, en s’accrochant aux aspérités noires !
Comme un monde inconnu qui se dévoilerait,
Toute la plaine alors sous les cieux apparaît :
Pré large, où cent ruisseaux croisent leurs folles courses,
Nénufars endormis sur le cresson des sources,
Etangs silencieux, tout hérissés de joncs,
Où les oiseaux pêcheurs ont cessé leurs plongeons !
Mais parmi les roseaux, dressant sa taille énorme