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Sur l’ennui du soleil jettent l’ennui des ombres !
Seule, au-dessus des mers, la lune voyageant
Laisse, dans les flots noirs, tomber ses pleurs d’argent !

Sur l’aride plateau de ce désert immense,
Les siècles désolés se suivent, en silence.

Pourtant, au pied des rocs, au bord du gouffre amer,
Quelque chose a paru, quelque chose de vert :
Cela se courbe au vent, ou se tord en spirale,
Cela pend au granit ou sur les eaux s’étale,
Et, de tous les côtés, sous le soleil plus clair,
La végétation monte, comme la mer !
C’est un bruit doux et lent, qui va des monts aux grèves,
Frisson des germes nus, et murmure des sèves,
Travail de la racine, entr’ouvrant le sol dur,
Feuillages déployés, qui tremblent dans l’azur.
Près des pins odorants, les cycas et les prèles,
Poussent leurs rameaux droits, bordés de feuilles frêles ;
La fougère fibreuse et les palmiers touffus
Se balancent, en foule, aux horizons confus.
Toute force, cachée aux flancs de la nature,
Jaillit, tumultueuse, en torrents de verdure :
Les arbres, à l’étroit, descendent des coteaux,
Les rameaux frémissants s’attachent aux rameaux,
Les bois suivent les bois, par de larges campagnes,
Et divisant leurs cours, aux bases des montagnes,
Dans les grandes forêts tombent échevelés,
Comme vont à la mer ces fleuves déroulés.