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nous-mêmes. Nos larmes sont l’effet de notre égoïsme. JEn présence de cette pourriture chacun doit penser qu’il faudra mourir. Soit qu’une multitude de béatimdes nous paraissent détruites pour jamais, soit que le néant se dresse devant nous, nous en distinguons le désastre et il est impossible que chacun ne voie point surgir l’horrible et douloureux cadavre que nous sommes destinés à devenir, un jour.

Détournons-nous donc du passé ! Qu’importent ce qui fut ou ce qui sera ! Allons vers de pompeux vallons et ne prenons point garde, enfin, que la flamme des roses s’est éteinte, car l’aube reviendra, les bras pleins de fleurs ! — Nous ne vivons jamais, ici, au jour le jour et à présent. Strictement personne ne demeure où il parait, et si hautes que soient les beautés dont nous nous attribuons le charme, il semble que chacun prenne peur de soi-même. Au premier visiteur venu, un héros de roman, une courtisane, un pâtre, un carrier ou un roi, nous nous attachons de toutes nos pensées, celui-ci précède nos desseins, et ses exploits impliquent l’accomplissement des nôtres.Nous nous substituons à quiconque survient. La plus minime anecdote nous sert de prétexte pour nous éloigner, en sorte que c’est presque avec joie que nous apprenons tout à coup la perte profonde d’une créature dont nous appréciâmes le génie, la bonté ou 1a mansuétude. Voilà un jeu délicieux. On se songe là. On descend vers la tombe. On joue le rôle de la tristesse et on se compare à une ombre. De lourds sanglots roulent dans les cœurs. — Ah ! Clarisse, Clarisse, souriez donc !

L’extinction d’un être afflige sans doute moins que les présages mélancoliques dont nous comble et que