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Comme je parle ainsi avec véhémence, ma belle amie surenchérit et ses plaintes, qui ébruitent ma peine, y contribuent réellement. Petite triste, ah ! taisez-vous ! Vos larmes me touchent mieux que la mort. Plus que celle que j’accompagnai au cimetière, l’affreuse nostalgie de votre âme m’apitoie et me désespère.

Oui, détournons-nous de toute cette ténèbre ! Sans doute, avec quiconque expire, nous sentons dépérir une partie de notre être. On dirait que le fossoyeur n’ensevelit pas seulement cette vierge ou ce héros, mais encore une masse de nos sentiments que l’un ou l’autre avait coutume par son aspect, sa voix, son labeur, son repos, de faire magnifiquement frémir en nous ! On ne sait pas cela, et il faut bien le dire : ce que nous regrettons dans cette tremblante personne que la mort a surprise, c’est moins sa pensée et sa joie que celles qu’elle suscitait en nous. On pressent qu’une flamme s’éteint. Quelqu’étrange beauté, une vertu, un rire disparaissent. La statue s’effrite et une rose poudroie. Est-ce toi ou bien moi qui expire ! Désormais, vraiment, c’est fini des promenades et des entretiens vers la prairie ; Certaines émotions qu’elle nous inspirait, avec cette créature, dépérissent, pour toujours. Au rose, rocailleux et lucide sépulcre, un peu de nous-mêmes tombe, se dissimule. L’ombre y stagne et rien n’a plus lieu. — Allons-nous-en !

Hélas ! ne restons pas ici, je vous en prie.

Quelles que soient les vertus du mort, sa paisible innocence et sa félicité, ce n’est point leurperte que nous déplorons, mais la suprême disparition de celles que cet hommenous eut inspirées. Oui, nous ne pleurons que