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autres ; et les présents qu’ils se font, non moins que l’air, les vents, leur sont indispensables.

Ensuite il y a les passions. Elles les dotent d’expressive violence. A cetinstant de frénésie et de tendresse, les hommes même les plus différents palpitent sculptés d’or, se ressemblent. En effet, ils empruntent alors la magnificence émouvante des dieux. Les caractères, les rôles, l’habitude des rêveries, tout s’effrite et poudroie. L’irréductible émoi de l’ombre ou de l’Amour, s’eajpare de leur logis, transfigure l’enclos, ressuscite les pierres, l’eau poudreuse d’écumes, les oiseaux, l’été.

Au milieu de ces sentiments dont la grâce nous associe, les étroites pensées plus particulières qui composent un individu, les circonstances de sa vie, rien de tout cela, ne pourra prendre place. Ce sont d’inutiles trésors, des couronnes fades et sans valenr.

L’homme à qui j’achète mon pain, peu m’importe qu’il soit vieux ou jeune, impromptu, jovial, tendre ou élégiaque, je le tiens en respect, non point pour ses vertus, mais parce que sa mission m’éblouit.

Hamlet, les conjonctures tragiques de son destin, qu’il ait tué Rose ou Polonius ; les aventures d’Œdipe, ses discours, leur véracité, ah ! peu importe. Mais leur aspect porta l’horreur, à l’instant héroïque et d’une telle frénésie, lorsque, illuminante apparaît, terrible et à travers eux-mêmes, la face ténébreuse des fatalités !

Seule, l’Idée de qui ils restent les esclaves, somptueuse, nous terrasse et nous épouvante. Ils nous impressionnent d’être, une seule minute, la Joie ou la Mort. Ils se haussent, portent le feu des dieux !