Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

chasteté ! Sur son importune sensibilité, ]e juge la naïve et malheureuse vierge, glacée, impérieuse et à peine touchante, de soumettre à de tels scrupules, la tendresse élégiaque, mortelle de son amant. Cruelle constance de petite pensionnaire placide, qui préfère la Mort à l’énorme Amour !

L’émotion sublime, violente à pleurer, dont cette tragique mort étreignit, il ne faudrait point l’attribuer à la tristesse où nous fûmes du désastre. En effet, peu importent les anonymes acteurs de toute la tragédie humaine ; seuls, leurs rôles surent nous toucher ! Dès cette exceptionnelle minute, où étant sculptés par les événements, ilscessèrent soudain de se ressembler, leur présence nous a terrifiés comme une aurore de foudre, Dieu ou le beau soleil !

Immortelle candeur des hommes ! Deux ou trois fortes passions suffisent pour en réunir la tribu. Chacun bâtit sa maison, parmi le lieu d’élection. Une barrière l’enclôt, et la porte fermée s’oppose au mendiant. Ils vivent les uns et les autres, parmi leur champ, les fleurs, les blés, la houille noire, les rocs blancs des monts. Ils s’isolent, travaillent. A travers la vitre étincelante d’aurore, ils regardent au loin, sur la route, les choses. Ils paraissent tranquilles. Aux jours de marché, cependant la nécessité les convoque. Ils ne communiquent que par des présents — palpitantes hosties de fruits, de poissons, de feu, de froment, de pain ou de sel — leurs dons réciproques sont eucharystiques. A cette communion la Nature préside.