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qu’ils aient d’extraordinaires rêveries ; le lieuoù ils s’asseoient, leur plâtreuse maison rose couverte d’un toit de tuile, le champêtre et antique jardiu, la barrière qui le garde, le talus où brûle la haie enflammée, le pur ciel verdàtre, ébloui et lucide, au-dessus des prés, la brise folle, les flots et l’étable ardente, empourprée de pailles de foins- qui scintillent ; à la vérité, cela nous ennuie.

L’infortune d’une Virginie ne nous eut point peut-être fait verser moins de larmes, si la constance de son amour ne nous l’avait rendue plus chère et plus sublime. A l’instant de sa mort, nous ne regrettons rien de ces candides trésors légués par la tendresse qu’elle pouvait porter avec soi. Œdipe, chargé de crimes, le pire roi qui succombe, Pisistrate, Philoctète, purent devenir, aussi, à cause de leurs maux, d’explicites statues du Destin. L’idée qui habita en eux, les métamorphose et les reconstruit. Nos yeux qui se détournent de leur individu, n’y considéraient que l’Amour, la Mort.

Ainsije vous prie, ne me parlez point des petitesdélices de leur amitié, de leurs mérites spéciaux, des fleurs qu’ils vont cueillir, de leur aïeul, du coq, du bon chien pastoral, de la forêt qui est limitrophe à l’enclos, de l’eau et du printemps prochain, si ce héros de qui vous célébrez le faste, immobile et tempétueux, n’y demeure qu’un proscrit.

Rien n’est admirable hors de la nature ! L’instant sublime, vraiment candide, est celui où Dieu dans l’homme apparaît. Vertige d’Œdipe, quand le Destin sculpta la Terreur sur sa face d’aveugle ! Et l’extrême vertu d’Antigone ! Douceur scintillante de Xausicaa ! Et cette Virginie ! Son naufrage, sa Mort !