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La petite route souriait — qui courait vers la ville — tumultueuse, bondissante de pierrailles concassées. De fins herbages bleus frémissaient.’ Aux longues fermes basses, sèches, - altérées, d’écarlates coqs dénonçaient le matin. D’épais brouillards gonflaient l’azur. Le sifflet des paquebots déchirait ces blancheurs. Derrière l’écluse bouillonnent des cataractes d’écumes. Une roue tourne au fil de l’eau jaune.

Parmi toutes ces pensées d’enfance, j’en sais de féroces, d’affreuses et de graves. C’étaient des batailles, des tempêtes. Pareils à des torches flambaient des esclaves condamnés. Le sang et la pluie ruisselaient. L’air crépitait d’une foudre obscure. — Ecorchés, broyés • sous d’énormes roues d’or, transpercés de piques, tels furent mes héros ! — L’écartellement, d’atroces supplices, du plomb et des larmes sur la face, j’ai songé d’étranges conjonctures ! — Sur cette puérile époque pèse une stupeur profonde. D’aspect placide, j’ai vécu tragiquement. De ces douloureuses impressions je garde encore l’angoisse glacée. Hagard, j’ai couru dans des sentiers d’or. Peut-être étais-je né pour la gloire des guerres. — Je fus un sombre enfant très pur.

Par la suite, un . peu plus âgé — défaillant de furieuses et équivoques luxures, la pureté des champs m’apaisa. Vers ce temps-là je délaissai les tragédies.. Tant-, d’anxiétés sentimentales ne m’avaient rempli que de confusions. L’abondance de mes pensées n’aboutit qu’à un chaos. Le vertige du monde me saisit, je retournai au jardin. D’énormes pommes brûlaient sur les feuille !». ’Au détour de la route je vis la