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tout, vraiment, par pitié et passion. Je ressens trop combien chaque chose est vénérable, malgré l’indigence de nos mots, leur prodigieuse perfidie ! »

Combien de fois, Phocas, t’ai-je ainsi entendu, quand tu ébruitais ton émoi, tes plus confidentielles terreurs. — Il s’écriait, la face blémie, emportée d’une telle frénésie ! Jamais je ne lui ai parlé de peur qu’il ne s’exaltât plus. Il m’eut été loisible et aisé de le faire. « Ne te préoccupe point des causes ni des effets de tes actions. Car le présent seul existe. Il faut sentir, harmonieusement. Ma doctrine, c’est l’eucharystie ! Communions, communions enfin sans réticence ni pudeur, ni douleur. Il suffit de tout ressentir : l’eau et le ciel, jusqu’à s’y transfuser ! » Voilà ce que j’eus pu lui dire.

Jamais je n’ai tenté d’apaiser ses tristesses. Mais tout au contraire je l’approuve. Cette stupeur bilieuse, sombre et acariâtre, voilà, ici, le résultat de mes principes ; leur développement dans un génie mélancolique aboutit aux plus pâles délires de l’épouvante. — Nul n’y peut rien et peu importe ! — C’est pourquoi je surenchéris sur l’émotion de mon ami, de peur qu’il ne devienne placide, glacé et sans cette noire terreur qui fait sa vertu singulière, son héroïsme, sa beauté même précisément.

Cependant, quelqu’un l’interrompt. On lui crie sa démence. Du plus puéril au plus exquis, tous mes amis le heurtent d’éclairs contradictoires. — Alban chante. — Une fleur brille. — Sur la haie ardente rit le ciel livide. — Chacun, selon sa propre humeur, commente l’éthique de mes livres. — Je dis ceci simplement. — Si diverses qu’en soient les maximes, le