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sans m’écouter, car quand je leur parle ils n’entendent chacun que leur propre voix. Ils se retrouvent là, tout entiers.

Les pressentiments qu’ils eurent de leur être, et les vertus dont ils se crurent fleuris, peut-’- tre en discernent-ils en moi les magnificences accomplies. Mon pas, mon sourire, un soupir les touchent. Ils m’aiment comme un désir réalisé. D’ailleurs celui-ci et un tel l’ignorent. Ce qu’ils sollicitent de ma compagnie, ce n’est point quelqu’énorme bonté, une joie goguenarde et acariâtre, mais chacun n’y désire que soi, sa ressemblance, l’expression vive d’un indicible et noble émoi. Tant de miraculeuses splendeurs qu’ils se découvrent, je suppose qu’ils les eussent, sans moi, mésestimées. Il est possible, aussi, qu’ils ne les auraient point connues. Ils m’en savent gré, mais ne me distinguent point. Rien de plus naturel que ce dissentiment. Si deux hommes, un jour, communiaient à cause de l’extinction des flammes que roulent ses veines et par l’extrême souffle éperdu, celui-là s’incarnerait dans l’autre. — Le rôle d’un poète, quel qu’il soit, n’est point de repétrir le monde, mais d’en purifier les blancheurs de ciels, les azurs, les villages, les coquillages salins. Infuser son jeune sang aux vieilles races décrépites, leur restituer l’aspect des dieux !

Pour ceux-là je leur parle ainsi. — L’affreuse souffrance ! — Je n’en sais pas de pire ! — Les tendresses et les vices qu’ils ne se fussent jamais, en nul lieu, reconnus, je les ai réhabilités aux yeux de Dieu. Au lieu qu’ils les auraient tenus en grand mépris, pour de froides, de banales parades, l’inutile stratagème de