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C’est là que je vivrai cette saison monotone. Je vivrai là avec Clarisse, méditatif, très simplement. Malgré l’eau et la nuit, l’affreux tumulte du vent, le tonnerre, l’ouragan, nous resterons placides, je ne suis pas anxieux, nulle pensée ne m’afflige. Nous goûtons fort le pathétique de notre état. En effet nous restons statiques et à l’abri, dans le beau repos de nos certitudes ; mais sur le coteau ou dans,ia prairie, l’innocent pasteur trait ses bétes, le carrier taille d’énormes blocs de houille vive, toute la tribu humaine s’exténue et travaille afin que je médite avec tranquillité. — Nous nous réjouissons de savoir cela.

La séduction de mon amie c’est une ingénuité confuse et une voluptueuse innocence. Dans les instants d’extrême langueur, elle s’est engagée à m’aimer toujours, mais comme elle croit à ses serments, j’en présage la fragilité, car nous les romprons un matin ou l’autre, et son inconstance ne m’épouvante point. Ainsi et en toute occasion, elle demeure candide, tout naturellement. Elle forme l’entreprise de m’être attachée, elle m’accable de ses sentiments, elle s’orne des plus tendres pensées.

Je l’ai vue attentive à des soins minutieux. Afin de ranimer les feux bleus du foyer, elle s’occupait d’en recueillir les grandes flammes fines et périssantes. C’est elle qui allume la vieille lampe d’étain, et elle prépare pour mon repas le pain et le sel, la nappe pure. Elle se sait la plus belle du monde, du moment