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cesse. Quoiqu’il asseoie, sous le sonore ombrage des chênes, Thérèse, qu’assoupit l’artifice des dieux, et malgré les îles tropicales, les froides rives hyperboréennes, Cérigo, Amathonte, les candides promontoires que couronnent des lauroses, tant de diverses évocations, on le préjuge là, l’innocent ! Il porte des tonnerres, souffle une trombe nocturne, chuchote aux héros ce qu’ils proféreront. C’est dans ce sentiment que Shakespeare, Gœthe, Wagner, Lamartine ont agi. « La Nature, plus la poésie, voilà l’art même. » Avec les étoiles, la substance des terres, le sang et de véridiques blocs ils sculptent un monde, ce sol, le ciel.

Pourtant, M. Emile Zola, sans s’exprimer différemment, n’imagine point qu’une tragédie doit porter l’empreinte de qui la conçut. Il ne tente aucunement d’intervenjr- Afin de diriger l’action, pour un excès d’obscur effroi ou bien pour la moralité, il ne se mêle pas à ses personnages. Leur conscience les précipitera vers des défaites ou des triomphes que leur permettent les contingences, la loi héréditaire, leurs spéciales intentions. Car ce sont des héritiers. Leur plan de vie est à peu près tracé. Voilà ce qu’entreprit M. Zola. Les lois de la nature ont leur effet dans l’art. Aussi ne s’interpose-t-il pas entre une calamité et un héros vertueux. Il ne se soucie point que le vice soit puni. Il n’imagine pas, comme Hugo, afin de vous tirer des larmes, de miraculeuses conjonctures, des antithèses très dramatiques. Ses personnages ne pérorent point, ainsi qu’il paraît dans Wagner, pour le triomphe de ses idées ni de ses conceptions particulières. Ce renoncement m’enthousiasme. Rien de plus extraordinaire.